Intervention de Stéphane LE BOULER, secrétaire général, HCERES

Au printemps 2019, au moment où se discutait ce qui allait devenir la Loi 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, nous nous sommes posé la question d’un vecteur législatif pour « booster » l’intégration universitaire, à travers un amendement « expérimentations ». Il semblait en effet nécessaire de déverrouiller le système en confiant aux universités le soin de porter des projets. Les conditions de réussite étaient posées d’emblée :

• Stimuler les initiatives sur le terrain : d’où de nombreux déplacements et un dialogue en continu entre le national et les territoires : les innovations ne se décident pas en chambre, sur un modèle unique ;

• Avoir l’audace d’agir et persévérer pour les universités : celles-ci ont souvent été – et continuent d’être – mises devant le fait accompli en matière de formations paramédicales. Proposer l’adossement des diplômes d’Etat aux licences et aux masters, imaginer des passerelles, refondre les cursus est naturellement plus engageant… et discriminant

• Lâcher prise pour les administrations : c’est le plus difficile. La dimension expérimentale des initiatives – et donc réversible – n’est pas toujours acceptée. Il est légitime de fixer un cadre à condition de respecter les règles du jeu : l’expérimentation vient du terrain, est avalisée au niveau national, se déploie pendant un certain temps et est évaluée in fine.

• Entraîner les acteurs : c’est sans doute le volet le moins convaincant de l’expérience sur certains territoires, où les universités ont pris l’initiative… sans trop se préoccuper de la région gestionnaire, des hôpitaux ou de certains instituts partenaires. Symbole d’un processus ancien et pourtant encore immature à certains égards.

Intervention de M. Antoine BURNIER (DRH adjoint du groupe GHU Paris) et Mme Nadine PHAN (Directrice des soins du groupe GHU Paris) à propos de la nouvelle alliance de ces deux entités qui ont dû apprendre à se connaitre

Dans un contexte général de départs et de difficulté de recrutement, le nouveau groupe GHU Paris, né de la fusion de 3 établissements spécialisés dans la prise en charge des troubles psychiatriques et des maladies neurologiques, s’est emparé du problème en créant un groupe opérationnel : « attractivité/fidélisation » regroupant le secteur RH et soignants pour se donner les moyens de recruter et fidéliser davantage.

L’objectif de ce rapprochement est de ne plus perdre d’informations ni d’énergie dans des process parallèles DS/DRH et de mieux comprendre les nouvelles aspirations des jeunes générations et les sociologies estudiantines mais aussi mieux accompagner les collectifs soignants dans leur encadrement.

Des entretiens systématiques de départ des IDE est réalisée par la direction des soins afin d’analyser les raisons.

Une campagne globale, des déclinaisons locales ont été organisées avec une modernisation et un meilleur suivi des annonces, annonces ciblées pour les jeunes professionnels.

Il a été décidé également de faire mieux connaitre le GHU en allant vers les IFSI, mais aussi dans les salons professionnels, réaliser des jobs datings…

Ce partage a permis d’améliorer les offres en répondants mieux aux aspirations des salariés et nouvelles recrues (proximité géographique, travail en 12 heures…)

Des welcome days pour les nouveaux arrivants sont organisés régulièrement.

Aujourd’hui la tendance observée depuis un an est une inversion des courbes avec un nombre d’arrivées supérieur au nombre de départs. Si cette tendance se confirme, une généralisation du process est envisagée pour tous les soignants mais aussi tous les corps de métiers.

Elisabeth WISNIEWSKI : Directrice des soins, directrice IFSI-IFCS, Francis MANGEONJEAN, Directeur des soins, Centre Psychothérapique de Nancy (CPN) – Laxou

Former des professionnels de santé se cultive conjointement entre instituts de formation et établissements du territoire supports de stage. C’est dans cette dynamique de partenariat réciproque profitable que la réflexion conduite au sein du CPN a permis d’accompagner les problématiques de stage dans un premier temps et en 2022 la question de l’attractivité pour cerner les éléments qui concourent au choix d’un poste à l’embauche. Une double enquête conduite auprès des 3 dernières promotions diplômées et des infirmiers recrutés par l’établissement depuis 3 ans montrent que les facteurs déterminants ne sont plus ceux de la génération des recruteurs ! La marque employeur, une titularisation précoce n’ont n’a plus autant la cote. Par contre, la discipline d’exercice, la qualité de vie au travail et la proximité géographique sont priorisés pour retenir une proposition dans un système en tension.

Le partenariat est-il source d’enrichissement ?

Matthieu SIBÉ, Maître de conférences en sciences de gestion – Isped – Université de. Bordeaux.

Le partenariat est une association active de différents intervenants qui acceptent de mettre en commun leurs efforts pour un intérêt commun. Dans une approche idéologique, il suppose d’avoir un but commun et de s’entendre sur le gain, de faire preuve d’agilité, de feed-back pour s’accorder sur les règles et les objectifs à attendre… La relation de partenariat requière les mêmes droits à la table des négociations, un droit de regard et d’expression, avec prise en compte de toutes les contributions, en transparence, avec un égal accès aux informations lors des prises de décision.
Un environnement concurrentiel, des suspicions, des faiblesses individuelles, la recherche d’intérêts individuels et non collectifs, des craintes comme l’impact sur la réputation, la perte d’autonomie ou d’indépendance, sont autant d’éléments pouvant faire obstacle ; par contre un rapport « gagnant-gagnant » est gage d’un bénéfice.

La conception du partenariat s’envisage, selon différentes approches :
• Economique, en recherchant au travers de la coopération un partage des risques et des bénéfices, à minimiser les couts d’échange par exemple.
• Psychologique, s’appuyant sur la volonté de travailler ensemble, dans une attitude de partage, d’ouvrir des possibles.
• Sociologique, selon la théorie des parties prenantes avec les 3 attribues que sont « pouvoir, légitimité et urgence », ou théories des mondes
• Social où des cultures se rencontrent
L’expérience de partenariat entre Université et IFCS sur Bordeaux a clôturé de façon concrète l’exposé.

Intervention de Mme Christine Ammirati – Journées de l’ANdEP – Mars 2023

Le ministre de la santé et de la prévention et la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ont réaffirmé la volonté de mener à son terme l’universitarisation des professions de santé. Pour mener à bien cette universitarisation, une mission nous a été confiée par les deux ministères, en lien avec les deux directions centrales (DGOS, DGESIP). Une équipe d’accompagnement composée des principaux acteurs se réunit mensuellement depuis octobre 2022.

Une « universitarisation » avec trois objectifs principaux

• Mettre en place l’intégration pédagogique des filières de santé post-bac dans un système universitaire « Licence Master Doctorat » avec une diplomation par l’université.
• Développer la formation à la recherche en renforçant les parcours MD et en déployant le corps d’enseignant chercheur dans les filières concernées.
• Conférer aux étudiants de ces filières, des droits identiques à l’ensemble des étudiants de l’université.
Cette intégration pédagogique dans un environnement universitaire permet notamment:
• La reconnaissance des périodes d’études effectuées, des diplômes et des qualifications acquises,
◦ Une poursuite d’études (master, doctorat), une réorientation avec validation d’acquis, un renforcement des passerelles,
◦ Une mobilité facilitée avec une lisibilité internationale.

Des réflexions en cours par la mission d’accompagnement depuis octobre 2022

Quatre volets ont été déterminés : un volet conventionnel, un volet diplomation et ingénierie de formation, un volet « droit des étudiants » et un volet recherche et encadrement »

Une universitarisation qui s’appuie sur les instituts de formation existants

La trajectoire poursuivie à ce jour, cible l’intégration pédagogique avec la diplomation universitaire et ne vise pas une intégration organique généralisée. Le maillage territorial et l’enseignement de proximité sont donc confortés.
Ainsi, les formations se poursuivront au sein des instituts, sauf volonté portée conjointement par les principaux acteurs d’un territoire (Universités, instituts de formation, Conseil régional).
Dans le cadre de l’intégration pédagogique visée aujourd’hui, la diplomation par le président d’université implique des ajustements de gouvernance tout en s’appuyant sur les instituts de formation existants et les professionnels enseignants. Une réflexion est engagée pour dégager des principes généraux conventionnels et de gouvernance en tenant compte de l’existant et en respectant les périmètres de chaque acteur dans cette nouvelle configuration.

Priorité à la convention IBODE

Priorité a été donnée à la rédaction d’un cadre conventionnel entre les principaux acteurs territoriaux pour la formation IBODE, universitarisée depuis 2022. Ce cadre spécifique à cette filière sera suffisamment « souple » pour être décliné et aménagé dans chaque territoire.

Une transformation pédagogique alliant professionnalisation et transversalité

Cette volonté de transformation avec un renforcement de l’environnement universitaire a déjà été portée par de nombreux enseignants, étudiants en santé et professionnels qui seront partie prenante des futures réflexions. Les filières prioritairement concernées par la transformation seront ciblées rapidement par les deux ministères.
Le curriculum pourrait être repensé sous forme de blocs de compétence en évitant les apprentissages en silos, en facilitant la transversalité et favorisant la mutualisation de ressources d’enseignement. L’universitarisation ne doit pas être synonyme d’augmentation drastique du temps académique mais d’adaptation pédagogique tout en conservant l’indispensable professionnalisation des futurs soignants et la place des professionnels encadrants. Une vigilance particulière sera portée sur le maintien du temps de stage, l’organisation et l’encadrement de la pratique de terrain.
Un premier retour de la mise en place des 26 expérimentations dans 23 sites universitaires semble nécessaire pour nourrir la réflexion à venir.

Des étudiants de l’université aux droits identiques aux étudiants d’autres filières

Le droit de vote pour les conseils centraux avait déjà été acquis en 2021 pour les étudiants en santé inscrits à l’université. Il convient de faire le point notamment sur l’accès au service de santé étudiant, au service de documentation en complément de celui de l’institut, aux services à distance du site principal… Ce volet est dès à présent abordé.

Une mission IGAS/IGESR relative aux évolutions des statuts des encadrants en poste et des enseignants-chercheurs est en cours depuis le premier trimestre 2023.

Les inspections générales des deux ministères rencontrent actuellement les acteurs de terrain pour initier une réflexion relative aux évolutions pour des enseignants déjà en poste ainsi qu’à l’accessibilité à la carrière universitaire des enseignants – chercheurs des filières non médicales.

Conclusion

De l’obtention de grades universitaires en 2009, à la création des sous sections 91 et 92 du conseil national des universités en 2019: des avancées importantes ont tracé le chemin de l’universitarisation des filières non médicales cette dernière décennie. La diplomation universitaire s’appuyant sur les instituts existants est une nouvelle étape dans un processus indispensable pour l’évolution des parcours des futurs soignants. L’engagement en confiance de chaque acteur pour co-construire l’environnement des apprentissages de demain sera le garant de la réussite de l’universitarisation.

 

« La formation paramédicale est résolument au cœur du projet de transformation du système de santé que je mène. »

Issue du discours de François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention, qui a ouvert nos dernières journées d’étude, cette phrase donne un sens aux actions que nous menons. En quête de reconnaissance, étudiants, formateurs et directeurs avaient grandement besoin de ce signal positif.

La hausse et le vieillissement de la population génère une augmentation mécanique de la demande de soins. Dans un contexte marqué par la chronicité et la pénurie médicale, les professions paramédicales seront bien plus que de simples « officiers de santé ». L’attractivité des formations et des métiers devra néanmoins être renforcée, ne serait-ce que pour fidéliser les étudiants et les soignants, dont les conditions de travail se dégradent.

Appuyées par des partenariats novateurs, les responsabilités devront également être mieux partagées, en particulier dans les territoires reculés, pour répondre aux besoins croissants des patients. Cette évolution ne doit pas effrayer le corps médical. Nous agirons en « complément de » et pas « à la place de ». Cessons les luttes corporatistes et les jeux de pouvoir dans le seul intérêt de la santé publique.
La formation sera le pilier de cette transformation qui passera nécessairement par une refonte des méthodes pédagogiques, mais aussi par des dispositifs innovants. L’objectif est clairement affiché : mieux connaître, mieux orienter et mieux accompagner les étudiants. Apprentissage, mentorat, tutorat, premier de cordée… Plusieurs solutions sont sur la table. Elles devront être rapidement mises en œuvre pour sécuriser les parcours et améliorer la qualité de vie étudiante.

 

Une campagne de vaccination généralisée contre les papillomavirus sera lancée dans les collèges français, dès la prochaine rentrée scolaire.

Cette opération spéciale ciblera les élèves de cinquième, filles et garçons confondus. Totalement gratuite, elle reposera sur la base du volontariat. La généralisation de cette mesure doit permettre de mieux prévenir les lésions cancéreuses et les cancers invasifs induits par les HPV. Expérimentée pendant deux ans dans la région Grand Est, cette initiative aurait montré d’excellents résultats. Selon les estimations du gouvernement, 800 000 élèves pourraient être vaccinés chaque année dans les collèges.

Les enjeux de santé publique ne sont pas anodins : les HPV sont responsables de 30 000 lésions précancéreuses du col de l’utérus dépistées et traitées, et de 6 000 nouveaux cas de cancers par an. La vaccination contre les papillomavirus reste le meilleur moyen de prévention, mais elle est encore trop peu répandue en France. La donne pourrait néanmoins changer. Au-delà des médecins, les infirmiers, les pharmaciens et les sages-femmes pourront prescrire et administrer le vaccin… en septembre prochain.


Photo : Kateryna Kon / Shutterstock.com

Dans un communiqué commun, étudiants, formateurs et professionnels réclament une refonte massive et rapide des études en ergothérapie.

Une évolution jugée urgente, tant au niveau des besoins de la population que des compétences nécessaires pour y répondre. Dans ce texte, destiné au ministère de la Santé et de la Prévention, l’ANFE*, le SIFEF** et l’UNAEE*** plaident notamment pour un allongement de la durée de la formation. « Le volume horaire des trois années de formation en ergothérapie est supérieur à celui des quatre années de masso-kinésithérapie. Les étudiants souffrent d’un programme trop chargé ne leur permettant pas d’assimiler leurs connaissances ni d’approfondir leur raisonnement clinique, avec un impact important sur leur qualité de vie et leur santé », écrivent les trois organisations signataires, qui souhaitent une « harmonisation de la formation au niveau national en cinq années avec reconnaissance au grade master ».

(*) Association nationale française des ergothérapeutes – ANFE.
(**) Syndicat des instituts de formation en ergothérapie français – SIFEF.
(***) Union nationale des associations des étudiants en ergothérapie – UNAEE.  


Photo : Luc Seba / Cocktail Santé

A l’occasion du salon international de l’agriculture, le gouvernement a annoncé la création de l’Institut One Health.

Implanté à Lyon, il doit devenir l’organisme de référence pour la formation et l’expertise des décideurs publics et privés sur ce sujet devenu stratégique. A la croisée de la médecine humaine, de la médecine vétérinaire, des sciences de l’environnement et des sciences sociales, cette approche plus globale et plus transversale de la santé doit notamment permettre de mieux prévenir et de mieux gérer les futures crises sanitaires. Adossé à l’Ecole universitaire de recherche EID@Lyon et porté par l’Université Lyon 1, l’Institut One Health s’appuiera sur un catalogue innovant de formations, à la fois interdisciplinaires et intersectorielles, proposées par trois grandes écoles que sont VetAgro Sup, AgroParisTech et l’EHESP*. Soutenue par les ministères de l’agriculture, de la santé et de l’écologie, cette démarche s’inscrit dans le cadre de la stratégie d’accélération « maladies infectieuses émergentes et menaces nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques » du plan France 2030.

(*) Ecole des hautes études en santé publique – EHESP.

A l’issue d’un appel à candidatures lancé début février, l’ARS Ile-de-France dévoilera prochainement le nom des dix instituts de formation qui seront financièrement soutenus pour favoriser l’inclusion des élèves et des étudiants en situation de handicap.

« Accompagner ces jeunes dans leur choix professionnel et dans leur souhait d’engagement dans une carrière paramédicale est une mission d’importance. Un travail de sensibilisation au handicap est nécessaire au sein des instituts de formation, notamment auprès des équipes administratives et pédagogiques, mais aussi sur les lieux de stage, auprès des encadrants et de l’équipe de soins », souligne l’agence francilienne. IFSI, IFAS ou IFAP…

Chacun des lauréats bénéficiera d’une subvention de 20 000 euros via le FIR*. Cette somme leur permettra notamment de procéder aux aménagements nécessaires, comme la formation de formateurs ou de référents handicap, mais aussi la mise en place d’une politique d’accueil en institut de formation et en stage dans les établissements de santé. Selon le calendrier fixé, un rapport d’évaluation sera publié en août 2024.

(*) Fonds d’intervention régional – FIR.


Photo : Isabelle Fernandez