La construction des projets se fait au galop

Différentes questions émergent entre les prérogatives théoriques et la faisabilité pratique, dans le cadre de la mise en place du Service sanitaire.

La construction des projets se fait au galop, car le service doit concerner 47 000 étudiants dès la rentrée 2018, selon la ministre de la Santé Agnès Buzyn.

Or, c’est aux instituts de formation de mettre en place ce projet, et la tâche n’est pas aisée. Il s’agit de sélectionner les lieux d’accueil en fonction des plannings, de trouver des partenaires selon les besoins, de parvenir à un équilibre entre les différents acteurs… Un challenge, pour un projet lancé en fin d’année scolaire et qui doit être opérationnel sur l’ensemble du territoire à la rentrée 2018.

L’ANdEP et le GEFERS (Groupe Francophone d’Études et de Formations en Éthique de la relation de Service et de Soin) se sont saisis ensemble de la question de l’éthique des cadres de santé.

L’enjeu principal : prendre en compte une éthique de l’organisation en tant que cadre de proximité face aux différentes injonctions émises par les établissements.

Pour l’ANdEP, c’est l’éthique organisationnelle qui permet de garantir une qualité de soin (pour les patients) ainsi qu’une qualité de vie au travail (pour les professionnels). Un postulat partagé par le GEFERS, qui rappelle que les injonctions peuvent constituer des obstacles à ces objectifs. En cause, notamment : la performance des établissements, la polymorphie du métier et la confusion entre la performance et la pertinence.

C’est une branche (de lunette) du monde paramédical éloignée des infirmiers, aides-soignants et autres métiers de soin. Pourtant, les opticien-lunetiers font aujourd’hui cause commune avec l’ANdEP sur une question centrale : l’universitarisation.

 

«Nous avons des projets transversaux avec l’ANdEP, principalement au sein de la mission Le Bouler». Éric Lazaridès, maitre de conférence au département de mesures physiques de l’IUT d’Aix-Marseille, pose le cadre. Ce qui rapproche aujourd’hui l’ANdEP des opticiens-lunetiers, c’est la cause de l’universitarision.

 

« Notre modèle de BTS est à bout de souffle. Réécrire le programme doit permettre de faire évoluer le métier d’opticien »

 

«Je pense que Stéphane Le Bouler voulait un panorama exhaustif pour aider à la réflexion», explique l’enseignant-chercheur. «C’est via le CNOF, le collège national des opticiens de France, que notre profession apporte sa pierre à l’édifice». Pour les opticiens-lunetiers, en effet, l’enjeu de l’universitarisation est crucial. Les formations existent aujourd’hui aux niveaux bac professionnel et BTS. Elles tournent autour de deux axes : le premier technique, le second commercial.

Pour le maitre de conférence, le programme est à repenser en profondeur. Le but ? Y inclure un axe de santé et proposer un cursus allant jusqu’à bac+3. «Notre modèle de BTS est à bout de souffle. Réécrire le programme doit permettre de faire évoluer le métier d’opticien, de faire en sorte que les professionnels puissent être des aiguilleurs au démarrage des démarches des patients. En clair, qu’ils conseillent ces derniers sur l’opportunité de consulter un ophtalmologiste dans un délai plus ou moins court.»

 

« Sur trois ans, nous aurions la possibilité de faire sortir de meilleurs candidats à bac+2 comme à bac+3 »

 

Les revendications de la profession incluent donc un accès au grade de licence pour leur formation, qui est aujourd’hui essentiellement dispensée en lycée. «Seules deux universités sont habilités à préparer le BTS : Aix-Marseille et Jean Monnet [à Saint-Étienne], c’est atypique», rajoute Éric Lazaridès. Pour ce dernier, c’est le référentiel activité et compétences qui permet de justifier la nécessité de plus de compétences délivrées au sein des cursus. «Accéder au niveau licence serait idéal. Le modèle 2+1 pourrait fonctionner mais pas aussi pleinement que le programme sur trois ans. Sur trois ans, nous aurions la possibilité de faire sortir de meilleurs candidats à bac+2 comme à bac+3», conclue le maitre de conférence, qui pourrait même envisager un master professionnalisant pour les opticiens

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S’il est difficile de rapprocher les métiers de l’ANdEP de ceux des opticien-lunetiers, l’universitarisation est une cause commune qui crée la convergence professionnelle.

«Autonomie», c’est le mot clef de cette évolution que sont les pratiques avancées. C’est-à-dire la possibilité d’exercer sans la validation systématique d’un médecin.

À l’heure où le personnel médical se raréfie, où les services d’urgences sont engorgés et où les zones rurales font face à de dramatiques problèmes de désertification médicale, l’autonomie des infirmiers prend de plus en plus de sens. Impossible, sans l’inscription de cette autonomie dans la législation, de faire entrer la France dans la modernité. C’est un combat de plusieurs années qui doit enfin aboutir et qui doit permettre de répondre aux problèmes fondamentaux que rencontre la population.

Dominique Barthélémy dirige l’IFSI de Troyes. Un établissement modèle, dans lequel la technologie a fait son entrée par la grande porte. Depuis son arrivée, en 2010, des outils nouveaux sont venus compléter les formations existantes. Chaque mois, l’ANdEP met en avant un de ses adhérents. Le portrait de cette directrice qui constitue le premier épisode de ce feuilleton.

 

«Directrice de la formation, c’est-à-dire directrice de l’IFSI, plus la formation continue sur les EHT. Et je suis également directrice référente du pôle mère-enfant sur le centre hospitalier de Troyes»

C’est par cet intitulé que se présente Dominique Barthélémy, à la tête de l’Institut de Formation en Soins infirmiers de Troyes. Cet établissement délivre des formations en soins infirmiers à des promotions d’environ 100 étudiants et des formations aides-soignants à 75 élèves. S’y déroulent également des prépas concours et des sessions de formation continue.

Dominique Barthélémy est adhérente de l’ANdEP. L’association est un acteur central de l’évolution des IFSI, notamment grâce à sa participation aux tables rondes les plus importantes, telles que le comité de pilotage de l’universitarisation. Pour la Troyenne, l’ANdEP permet «des réflexions et des réponses rapides, et de l’actualité rapidement diffusée». Être à l’ANdEP, en somme, c’est avoir un avis qui compte. Les échanges au sein de l’association nourrissent en effet la prise de décision de l’administration à la DGOS.

La formatrice rappelle enfin que les directeurs d’instituts de formation «ne travaillent pas seuls» et qu’ils ont besoin les uns des autres.

Réfléchir, progresser, faire évoluer les méthodes et les outils pour former et accompagner les étudiants : c’est un des points clefs de la gouvernance de l’IFSI de Troyes. Sous la supervision de Mme Barthélémy, des techniques nouvelles ont été mises en place, telles que le e-learning et la simulation. Sur un site sécurisé, mis en ligne par l’IFSI, les étudiants ont accès à des éléments de formation essentiels. Des cours sur les calculs de dose, les transfusions, l’hygiène pour les aides-soignants, etc. sont dispensés sous la forme de fiches techniques, de supports vidéos, de quizz… Des modules d’apprentissage qui ne remplacent pas les cours magistraux, mais qui arrivent en complément et apportent un avantage unique : «ces cours s’adaptent aux rythme d’apprentissage des étudiants, […] certains préfèrent travailler la nuit. Ils peuvent consulter ce site à l’heure qui leur convient».

Dominique Barthélémy se veut formatrice, moderne et à la tête d’un établissement de pointe.

«Ce qui a motivé mon choix [de mettre en place le e-learning et la simulation] c’est tout simplement l’entrée dans le 21e siècle. Il me semble qu’il faut travailler avec les outils de son temps».

Des méthodes modernes, pour un IFSI à l’avant-garde de la formation. C’est l’environnement de travail que la Troyenne souhaite pour ses étudiants. «C’est peut-être aussi un élément attractif pour l’inscription à l’IFSI de Troyes», souligne-t-elle enfin avec lucidité.

La gouvernance des instituts de formation se pare, depuis le 17 avril, d’un nouvel arrêté. Près de 10 ans après la parution de l’arrêté précédent, ce nouveau texte doit permettre aux instituts de formation paramédicale de fonctionner et d’être gouvernés de manière plus démocratique et sereine.

Une nette amélioration des conditions pour les étudiants en IFSI, notamment, qui doivent disposer d’une voix décisionnaire pour leur représentant et d’un droit de césure. Des changements souhaités par les directeurs d’établissements paramédicaux, toutes sections confondues.

Après des années d’attente et de nombreuses réunions, ce texte est né d’un long travail de réflexion et de collaboration.

Si la création des Groupements hospitaliers de Territoire (GHT) fait consensus chez les acteurs du secteur paramédical, une question reste toutefois sans réponse : quel rôle pour les directeurs des instituts de formation, une fois le rattachement effectué ?

La loi de modernisation, portée par la ministre de la Santé Agnès Buzyn, ne les associe pas aux groupements. Mais certaines Commissions des Soins infirmiers, de Rééducation et Médico-Techniques (CSIRMT) ont compris que la présence des directeurs d’instituts était primordiale et ont choisi de les intégrer aux commissions.

Pour l’ANdEP, la réponse est évidente : le rattachement ne peut se faire qu’en associant les directeurs d’instituts.

Agnès Buzyn et Frédérique Vidal ont chargé le Professeur Antoine Tesnière, Stéphanie Rist, députée du Loiret et Isabelle Riom, interne en médecine générale de mener les consultations sur la formation des professionnels de santé. Des premières orientations seront rendues en mai.

Ces trois responsables devront construire une feuille de route opérationnelle favorisant une plus grande homogénéité des formations, une meilleure coopération entre les différents métiers de la santé, des conditions d’études favorables à l’épanouissement des étudiants… Les étudiants en santé seront par ailleurs également associés à cette réflexion.  Le chantier sera étroitement lié avec celui de la transformation du travail et des métiers dans le secteur public hospitalier.  Il constitue, en effet, l’un des cinq piliers de la Stratégie de transformation du système de santé annoncée par le Premier Ministre au centre hospitalier d’Eaubonne-Montmorency le 13 février dernier.