Les principales forces vives du secteur de la santé ont été conviées à une vaste concertation pour « tirer les leçons de la crise sanitaire » et « préparer l’avenir ». Tandis que la reconnaissance des soignants sera l’un des principaux axes de la discussion, le faible niveau de représentation des professions paramédicales suscite l’incompréhension et l’indignation.

Deux mois après le discours de Mulhouse, la grande réforme de l’hôpital se dessine. Installé le 25 mai, le « Ségur de la santé » réunira plus de 300 acteurs, chargés d’analyser les forces et les faiblesses d’un système de soins mis à rude épreuve par la crise du Covid-19. Quatre axes stratégiques ont été identifiés : transformer les métiers et revaloriser ceux qui soignent ; définir une nouvelle politique d’investissement et de financement au service des soins ; simplifier radicalement les organisations et le quotidien des équipes ; fédérer les acteurs de la santé dans les territoires au service des usagers. Coordonnés par Nicole Notat, l’ex-secrétaire générale de la CFDT, les travaux engagés devraient déboucher sur des propositions concrètes dans les prochaines semaines. Les premières conclusions sont attendues pour la mi-juillet.

Un chantier prioritaire

Dans son discours inaugural, le Premier ministre a été clair. Il veut aller « plus vite » et « plus loin » dans les réformes, sans pour autant déroger aux grands principes du plan « Ma Santé 2022 ». Une logique qui n’exclut pas, d’après lui, la mise à disposition de moyens nouveaux pour l’hôpital. « Certains niveaux de rémunération n’étaient pas à la hauteur d’un tel engagement. » Edouard Philippe l’a confirmé : la reconnaissance des soignants sera l’un des principaux chantiers de cette concertation.
Outre la « revalorisation significative » des rémunérations, l’évolution des métiers et des carrières sera un sujet central, notamment à l’hôpital. Formation, coopération entre professionnels, pratiques avancées, compétences : les problématiques liées aux ressources humaines ne manquent pas. Les questions du temps de travail et des statuts ne pourront pas être éludées. « Il faudra adapter les conditions d’exercice à la variété des parcours, mais aussi reconnaître l’engagement dans les activités non cliniques, de recherche, d’enseignement ou de management. »

Un financement à revoir

En novembre dernier, le gouvernement avait débloqué 15 milliards d’euros pour l’hôpital public. Parmi d’autres mesures, il avait notamment annoncé la reprise progressive du tiers de la dette hospitalière accumulée, soit dix milliards. Pour renforcer l’autonomie des établissements de soins, un nouveau plan d’aide à l’investissement de proximité devrait être officialisé à l’issue du « Ségur de la santé ». Selon le Premier ministre, une partie des fonds mobilisés devrait même être fléchée vers les territoires pour mieux répondre aux besoins spécifiques de la population.
Autre réforme de fond : le mode de financement des hôpitaux sera certainement revisité. Au-delà de la psychiatrie, des urgences et des soins de suite, la tarification à la qualité des soins prendra progressivement le pas sur la tarification à l’activité, dont la logique inflationniste s’avère coûteuse pour les finances publiques et frustrante pour les soignants. « La T2A ne doit plus être l’unique boussole du financement des activités hospitalières. Essayons de trouver un système plus intelligent et moins ancré sur la nécessité de multiplier les actes pour dégager des recettes », soulignait Edouard Philippe.

Des enjeux connexes, mais déterminants

Relégué au second plan dans cette concertation, le secteur libéral sera néanmoins associé aux réflexions sur la territorialisation des soins. L’enjeu consiste à accroître les coopérations entre la ville, l’hôpital et le médico-social, mais aussi entre le public et le privé. Le Premier ministre veut « libérer les initiatives » et « placer les patients au centre du système de santé », à travers deux mesures clés : la poursuite du déploiement des CPTS (1) et le renforcement de la prise en charge des personnes âgées à domicile. A plus large échelle, la crise des EHPAD appelle une profonde réforme du financement et de l’organisation de la filière de la dépendance, qui fera d’ailleurs l’objet d’une loi thématique au cœur de l’été.
Selon Edouard Philippe, l’intégration des nouvelles technologies devrait également faciliter la transition vers une médecine de parcours. Outre le développement de la télémédecine, il compte sur un partage plus large des données de santé, notamment hospitalières, pour améliorer la connaissance de la maladie et faciliter le suivi des malades. La mise en place d’un espace numérique de santé est plus que jamais d’actualité.

Un oubli de taille

Si la philosophie est claire, la méthode interroge. Absentes des deux groupes de travail, les principales organisations paramédicales crient au scandale. Faute de mieux, il appartiendra à l’UNPS à la FNESI, à la FFPS et à l’ONI de défendre leurs intérêts. Une bien maigre représentation au regard des enjeux liés à la revalorisation des salaires et des métiers, attendue de pied ferme par 720 000 infirmiers et 240 000 aides-soignants, qui n’auront pas ménagé leurs efforts au cours des derniers mois, souvent au péril de leur propre santé. « Au-delà de la nécessaire reconnaissance financière, nous demandons une reconnaissance de la contribution réelle des infirmiers à l’offre de soins. Nous appelons également les pouvoirs publics à engager la révision des textes qui encadrent l’exercice de la profession dans les plus brefs délais. Les infirmiers doivent pouvoir bénéficier d’une véritable logique de carrière, avec un suivi de l’évolution de leurs compétences et de leurs souhaits d’orientation et/ou de spécialisation. » Saine et légitime, la position ordinale ne souffre d’aucune contestation. Sera-t-elle entendue par les pouvoirs publics ou sera-t-elle noyée dans le flot des multiples revendications hospitalières ? Réponse dans quelques semaines.

(1) Communauté professionnelle territoriale de santé – CPTS.