Selon France Stratégie, quinze métiers sont plus particulièrement touchés par des départs prématurés en retraite. Trois grandes raisons sont évoquées : la santé, le chômage et l’inactivité. Une amélioration des conditions de travail pourrait toutefois retarder ces sorties précoces de l’emploi. Explications.

Malgré la vindicte populaire et la contestation parlementaire, la réforme des retraites a finalement été adoptée : la plupart des Français devront donc travailler deux ans de plus. Cette perspective soulève de nombreuses questions, dont celle de l’employabilité des seniors. Dans une note d’analyse publiée mi-avril, France Stratégie propose une grille de lecture inédite sur le sujet (1). Son auteur détaille notamment les causes de « sortie précoce » du marché de l’emploi et pose pour la première fois un diagnostic par métier. Principal enseignement de cette étude : les ouvriers peu qualifiés de la manutention, du second œuvre du bâtiment, de la mécanique ou de la métallurgie sont les premiers concernés par un départ prématuré.

Des disparités notables

Sur la période étudiée par France Stratégie2, 29 % des départs annuels ne relèvent pas d’un passage immédiat de l’emploi vers la retraite. Trois grandes raisons sont invoquées pour expliquer ce phénomène : la santé, le chômage et l’inactivité, souvent liée au renoncement ou au manque de disponibilité, qui peut par exemple résulter de la charge d’un proche en situation de dépendance. Des disparités significatives entre les métiers sont toutefois observées. Caractéristique notable : le taux de départ précoce augmente à mesure que la qualification baisse ; il atteint 46 % chez les ouvriers peu qualifiés, 39 % chez les employés peu qualifiés et 21 % chez les cadres. Les motifs de départ sont aussi très variables. Si les sorties précoces pour chômage ou inactivité touchent quasiment toutes les catégories socioprofessionnelles, les moins qualifiés cessent le plus souvent leur activité pour cause de maladie ou d’invalidité.

Un lien critique

Selon France Stratégie, il existe bel et bien un « lien » entre les conditions de travail et les départs prématurés pour raison de santé. Assez logiquement, la pénibilité augmente le risque d’accident et/ou de maladie professionnelle, troubles musculosquelettiques en tête. Les départs pour maladie ou invalidité sont ainsi plus fréquents chez les ouvriers, les aides à domicile, les employés de maison, les agents d’entretien ou encore les employés de l’hôtellerie et de la restauration. Une chose est sûre : le report de l’âge légal pourrait encore accroître ces difficultés et pénaliser davantage ces profils qui subiront leur inactivité plus longtemps. Un paradoxe supplémentaire pour des métiers qui peinent actuellement à recruter. Parmi d’autres solutions, une amélioration des conditions de travail pourrait permettre de retarder les départs, mais aussi de favoriser les embauches, comme le souligne France Stratégie.

 

Top 15 des métiers les plus touchés par les départs prématurés
1/ Ouvriers peu qualifiés de la manutention
2/ Ouvriers peu qualifiés du second œuvre du bâtiment
3/ Ouvriers peu qualifiés de la mécanique ou de la métallurgie
4/ Ouvriers peu qualifiés du gros œuvre du BTP
5/ Employés et agents de maîtrise de l’hôtellerie et de la restauration
6/ Caissiers et employés de libre-service
7/ Ouvriers qualifiés de la manutention
8/ Ouvriers qualifiés de l’électricité et de l’électronique
9/ Assistants maternels
10/ Ouvriers qualifiés du gros œuvre du bâtiment
11/ Aides à domicile
12/ Cuisiniers
13/ Patrons et cadres d’hôtels, cafés et restaurants
14/ Professionnels de l’action culturelle, sportive et surveillants
15/ Ouvriers du textile et du cuir

 


(1) « Fin de carrière des seniors : quelles spécificités selon les métiers ? », France Stratégie (avril 2023).

(2) Cette analyse porte sur la période 2004-2019.


Photo : Philippe Chagnon / Cocktail Santé