Elisabeth Borne vient de prononcer son premier discours de politique générale. Parmi d’autres réformes, la Première ministre entend notamment lancer une vague de concertations pour lutter contre les déserts médicaux, avec l’aide de ses nouveaux ministres de tutelle. La crise estivale des urgences fera office de premier révélateur.

Un baptême du feu mouvementé. Début juillet, Elisabeth Borne tenait son premier discours de politique générale face à une Assemblée nationale houleuse, et parfois hostile. Plusieurs annonces concernaient le champ de la santé, à commencer par le lancement d’une vaste concertation pour lutter contre les déserts médicaux, dès le mois de septembre. Les intentions sont claires : la Première ministre mise résolument sur le dialogue avec les corps intermédiaires et la coordination interprofessionnelle pour « bâtir la république de l’égalité des chances ». Elle a également promis des « mesures structurantes » pour moderniser le système de soins et construire une offre de santé adaptée dans chaque territoire. Elle entend notamment provoquer un « choc d’attractivité » sur les métiers, et recruter 50 000 infirmiers et aides-soignants dans la filière du grand âge d’ici 2027. Autre choix stratégique : la prévention sera placée au cœur des politiques publiques. Logement, éducation, environnement… Une action transversale sera menée sur tous les déterminants de la maladie pour améliorer l’état de santé de la population et réduire les impacts liés aux inégalités sociales.

La philosophie et la méthode

Pour porter son projet de rénovation, Elisabeth Borne s’appuiera sur le Dr François Braun, son nouveau ministre de la Santé et de la Prévention, qui sera lui-même épaulé par Agnès Firmin-Le Bodo, nommée ministre déléguée en charge de l’organisation territoriale et des professions de santé. Un binôme convaincant sur le papier qui suscite un optimisme non dissimulé chez les principaux représentants du secteur. Dans son discours inaugural, le chef des urgences du CHR de Metz-Thionville posait un diagnostic critique, mais lucide : « Notre système de santé est à bout de souffle. Il n’est plus compris par nos concitoyens et par nos soignants. Les urgences générales, pédiatriques, psychiatriques et gynéco-obstétricales sont malades. L’hôpital souffre… » Pour inverser cette spirale infernale, il souhaite notamment apporter de la souplesse et de la visibilité à ses acteurs. Homme de terrain, il veut surtout redonner toute sa place aux territoires, en impliquant davantage les élus, les soignants et les soignés dans la co-construction des politiques de santé. Son crédo ? Qualifier les problèmes exprimés localement et agir rapidement pour les résoudre.

Un premier dossier brûlant

En attendant de pouvoir mettre ses idées en pratique, le nouveau gouvernement devra d’abord gérer un été à haut risque. Hasard ou coïncidence, le Dr François Braun s’était vu confier une « mission flash » sur les urgences et les soins non programmés, commandée début juin par Emmanuel Macron*. Remises au gouvernement quelques jours avant sa prise de fonction, ses conclusions reposent sur trois grandes orientations : une meilleure régulation des patients en amont et en aval des urgences, une mobilisation accrue des volontaires et une revalorisation des personnels hospitaliers. Fait notable, les 41 propositions du président de Samu-Urgences de France ont reçu un accueil plutôt mitigé. Parmi d’autres réactions, le président de l’Ordre national des infirmiers juge ces mesures insuffisantes et non pérennes. Selon Patrick Chamboredon, la profession devrait bénéficier de compétences élargies. Il plaide notamment pour la création d’une « filière de soins courants » qui contribuerait à désengorger les services d’urgence. Dans le même esprit, la FNI réclame la création d’infirmiers de première ligne qui prendraient en charge certaines affections bénignes.

(*) « Urgences et soins non programmés : des réponses rapides et fortes pour l’été », Dr François Braun (juin 2022).