Le volet santé du Conseil national de la refondation a été officiellement lancé le 3 octobre dernier. Un premier bilan sera réalisé au mois de janvier. Retour sur les principaux enjeux de cette vaste concertation, dont l’issue demeure toutefois incertaine.

Promesse de campagne du candidat Macron, le Conseil national de la refondation a été officiellement inauguré le 8 septembre dernier. L’objectif présidentiel est clairement affiché : bâtir un nouveau modèle de gouvernance et une nouvelle manière de débattre, en impliquant toutes les composantes de la société, pour faire avancer le pays dans un esprit de dialogue et de responsabilités partagées. Plein emploi et réindustrialisation, école, santé, transition écologique, bien vieillir… Les discussions se concentreront sur cinq grands thèmes. Dans le domaine sanitaire, cette vaste concertation a été lancée début octobre par François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention, dans la ville du Mans. A la fois politique et symbolique, le choix du terroir ne doit rien au hasard. « Nous voulons trouver des solutions concrètes avec l’ensemble des parties prenantes, en mobilisant toutes nos forces dans tous nos territoires », expliquait-il. National et territorial, cet exercice de démocratie participative prendra fin au printemps 2023. Chaque citoyen pourra exprimer son avis sur une plate-forme numérique dédiée. Un premier bilan sera effectué en janvier.

Quatre défis… et trois chantiers !

Sous la houlette des citoyens, des professionnels, des élus et des administrations, le CNR Santé devra relever quatre grands défis : donner un accès universel à un médecin traitant ou une équipe traitante, proposer une réponse d’urgence en tout point du territoire, mobiliser les leviers locaux d’attractivité pour les métiers de la santé et faire entrer la prévention dans le quotidien de tous les Français. Parmi d’autres ambitions fortes, citons la rénovation des formations initiales des soignants ou encore l’augmentation des ressources humaines et le renforcement des compétences, notamment pour les professions paramédicales. Pour mieux préparer l’avenir, trois grands chantiers prospectifs seront également initiés : la transformation durable des métiers du soin, la transition écologique et la soutenabilité financière du système de santé. Selon François Braun, les premières conclusions de ces travaux thématiques sont attendues pour la mi-2023.

Une consultation de plus ?

Comme beaucoup, les différents représentants du secteur redoutent « une consultation de plus ». A l’instar de la convention citoyenne sur le climat ou du grand débat national organisé en pleine crise des Gilets jaunes, les précédentes initiatives du genre n’ont rien donné… ou presque. Simple concertation ou vraie révolution ? L’avenir le dira. Syndicat majoritaire de la profession infirmière, la FNI compte se saisir de cette occasion pour « pousser des réformes essentielles ». Outre un élargissement des missions et un meilleur partage des tâches, en particulier dans les déserts médicaux, elle réclame des « solutions concrètes et rapidement efficaces » pour lutter contre le phénomène de la « grande démission ». Elle plaide surtout pour la création d’un nouveau statut, celui d’une profession médicale à compétences définies. Promise pour la fin du précédent quinquennat, la révision du décret sur les compétences infirmières n’a toujours pas été amorcée…

Dans un rapport publié début octobre*, la Cour des comptes suggère notamment de renforcer les transferts de compétences entre les médecins et les professions paramédicales pour « améliorer le fonctionnement du système de santé ».

Dans un contexte marqué par la chronicité, le vieillissement et la pénurie médicale, ce partage des actes présenterait deux avantages majeurs : optimiser l’accès aux soins et réduire les dépenses de santé… sans altérer la qualité du service rendu à la population. Une position pragmatique, saluée par l’Ordre national des infirmiers, qui souligne « la rigueur et le sérieux » des travaux présentés.

Etude cartographique à l’appui, l’instance ordinale témoigne d’une présence professionnelle suffisante dans les 1 663 bassins de vie du pays, y compris dans les zones touchées par l’absence de médecins traitants. Elle propose également cinq solutions concrètes pour mieux répondre à la demande de soins de proximité, en particulier dans les déserts médicaux : favoriser l’accès direct aux infirmiers en premier recours ; étendre leurs compétences en matière de consultation et de prescription ; renforcer la mission de coordination des infirmiers au sein des parcours de soins ; leur conférer davantage de responsabilités pour mener des politiques de prévention adaptées à chaque territoire ; préserver la dignité des patients décédés et de leurs familles en permettant l’établissement du certificat de décès par les infirmiers.

(*) « Rapport sur l’application des lois de financement de la Sécurité sociale », Cour des comptes (octobre 2022).

Officiellement présenté fin septembre, le PLFSS 2023 affiche une double ambition : améliorer la santé de tous les Français, sans creuser la dette publique.

Hors Covid-19, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie progressera de 3,7 %. Signe particulier : aucune économie n’est attendue sur les hôpitaux publics, contrairement aux produits de santé, dont la facture annoncée dépasse le milliard d’euros, essentiellement sous la forme de baisses tarifaires. Toutes mesures confondues, ce plan de financement doit permettre de réduire le déficit de la Sécurité sociale à 6,8 milliards, contre 17,8 milliards en 2022.

Au-delà des grands arbitrages budgétaires, le texte prévoit la généralisation de plusieurs dispositions fortes comme l’extension des prérogatives vaccinales des infirmiers et l’instauration de trois consultations de prévention. Annoncés fin septembre par François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention, ces rendez-vous seront programmés à trois âges clefs de la vie, soit 25, 45 et 65 ans. Intégralement pris en charge par l’Assurance Maladie, ils permettront de faire un point détaillé sur la santé physique et psychique des assurés.

Dans un rapport publié début septembre*, le Haut Conseil pour la santé publique recommande le maintien et le renforcement du service sanitaire des étudiants en santé.

Parmi d’autres conclusions, l’instance suggère notamment de recentrer les objectifs de ce dispositif sur sa fonction pédagogique et de le positionner durant la première partie des études de santé. Système d’information, gouvernance régionale et locale, compétences cibles, interprofessionnalité, impact en santé publique…

Elle fournit également trente-sept recommandations à destination de la coordination nationale, des agences régionales de santé et des rectorats, des comités stratégiques régionaux, des comités techniques locaux ou encore des équipes de direction des UFR, des écoles et des instituts.

A noter : ce rapport final complète une première analyse préliminaire, dont les résultats avaient été publiés en mars 2020.

(*) « Evaluation du service sanitaire des étudiants en santé : rapport final », Haut Conseil de la santé publique (juillet 2022).

Dans un contexte de pénurie durable de carburant, les infirmiers libéraux réclament des mesures urgentes pour assurer la continuité des soins essentiels.

Face aux nombreuses difficultés constatées, certains syndicats professionnels exigent un accès prioritaire aux pompes quand d’autres proposent de réquisitionner certaines stations pour garantir un approvisionnement continu. Autre exigence concomitante : maintenir une présence policière minimale pour assurer la sécurité des professionnels de santé, victimes de nombreuses agressions depuis le début de la crise.

Plus ou moins touchés, certains départements ont accédé à cette requête légitime. Dans les Yvelines, cinq stations proposent désormais des files dédiées aux personnels prioritaires, dont les soignants. Une initiative louable, mais clairement insuffisante au regard des besoins constatés. En zone rurale, les infirmiers parcourent parfois plusieurs centaines de kilomètres par jour pour rendre visite à leurs patients. Selon les dernières statistiques communiquées par le gouvernement*, 27,3 % des stations-service rencontrent de gros problèmes d’approvisionnement.

(*) Chiffre au 15 octobre 2022.

L’ARS et le Conseil régional vont lancer une expérimentation visant à faciliter le parcours des étudiants en soins infirmiers pour éviter les abandons et les fidéliser sur le territoire francilien.

A l’issue d’un appel à candidatures inauguré mi-septembre, trois instituts de formation de la région seront prochainement sélectionnés. La qualité et le suivi des stages ou encore l’insertion professionnelle feront notamment l’objet d’une attention particulière, en lien avec les différents acteurs concernés. Selon les premières indications communiquées, les grands travaux débuteront à la rentrée prochaine. En cas de succès, la démarche pourrait être généralisée à plus large échelle.

Un chiffre clef résume la nature des enjeux : un étudiant sur trois aurait interrompu son cursus avant la diplomation. Comme en témoigne le dernier baromètre de la FAGE, les aspects financiers ne sont probablement pas étrangers à ce phénomène.

L’ANdEP a participé au lancement du CNR Santé. Partie prenante du débat, notre association fera valoir ses idées tout au long de la concertation. Valorisation des diplômes, partage des compétences, développement de la pratique avancée… Les chantiers sont nombreux, mais une certitude demeure : la profession infirmière ne manque pas d’atouts pour relever le défi de l’accès aux soins.

Au regard des besoins et des attentes de nos concitoyens, la formation doit être un sujet central dans les réflexions en cours. L’enjeu ne consiste pas forcément à former plus, mais à former mieux. N’est-il pas préférable d’abandonner une formation qui ne nous correspond pas, plutôt que de la poursuivre au risque d’y perdre sa santé ? Essayons d’abord de comprendre les raisons profondes qui motivent les choix de nos étudiants.

Certains freins persistants devront néanmoins être levés. Parmi d’autres leviers, la révision du référentiel de formation sera un gage d’attractivité pour la profession. La VAE et l’apprentissage aussi, mais les dispositifs devront être simplifiés. A plus large échelle, les projets de vie devront être mieux considérés. Plus que jamais, l’agilité devra être le maître-mot de la transformation.