Quatre jours avant de rejoindre l’avenue de Ségur, le Dr François Braun rendait les conclusions de sa « mission flash » sur les urgences et les soins non programmés, commandée début juin par Emmanuel Macron.

Chef des urgences du CHR de Metz-Thionville, le président de Samu-Urgences de France formule 41 propositions concrètes pour prévenir une nouvelle crise estivale, causée et accentuée par un manque de moyens humains et financiers. Parmi d’autres solutions, le nouveau ministre de la Santé et de la Prévention plaide notamment pour une meilleure régulation des patients, en amont et en aval des services d’urgence.

Il suggère également de revaloriser les personnels hospitaliers, mais aussi de favoriser la mobilisation de tous les volontaires, paramédicaux en tête. Déploiement d’unités mobiles de télémédecine, simplification des protocoles de coopération, autorisation temporaire des équipes paramédicales de médecine d’urgence, développement du recours à l’hospitalisation à domicile… Huit recommandations concernent directement les IDEL. Selon la Fédération nationale des infirmiers, elles devront être pérennisées au-delà de l’été.

(*) « Urgences et soins non programmés : des réponses rapides et fortes pour l’été », Dr François Braun (juin 2022).

Elisabeth Borne vient de prononcer son premier discours de politique générale. Parmi d’autres réformes, la Première ministre entend notamment lancer une vague de concertations pour lutter contre les déserts médicaux, avec l’aide de ses nouveaux ministres de tutelle. La crise estivale des urgences fera office de premier révélateur.

Un baptême du feu mouvementé. Début juillet, Elisabeth Borne tenait son premier discours de politique générale face à une Assemblée nationale houleuse, et parfois hostile. Plusieurs annonces concernaient le champ de la santé, à commencer par le lancement d’une vaste concertation pour lutter contre les déserts médicaux, dès le mois de septembre. Les intentions sont claires : la Première ministre mise résolument sur le dialogue avec les corps intermédiaires et la coordination interprofessionnelle pour « bâtir la république de l’égalité des chances ». Elle a également promis des « mesures structurantes » pour moderniser le système de soins et construire une offre de santé adaptée dans chaque territoire. Elle entend notamment provoquer un « choc d’attractivité » sur les métiers, et recruter 50 000 infirmiers et aides-soignants dans la filière du grand âge d’ici 2027. Autre choix stratégique : la prévention sera placée au cœur des politiques publiques. Logement, éducation, environnement… Une action transversale sera menée sur tous les déterminants de la maladie pour améliorer l’état de santé de la population et réduire les impacts liés aux inégalités sociales.

La philosophie et la méthode

Pour porter son projet de rénovation, Elisabeth Borne s’appuiera sur le Dr François Braun, son nouveau ministre de la Santé et de la Prévention, qui sera lui-même épaulé par Agnès Firmin-Le Bodo, nommée ministre déléguée en charge de l’organisation territoriale et des professions de santé. Un binôme convaincant sur le papier qui suscite un optimisme non dissimulé chez les principaux représentants du secteur. Dans son discours inaugural, le chef des urgences du CHR de Metz-Thionville posait un diagnostic critique, mais lucide : « Notre système de santé est à bout de souffle. Il n’est plus compris par nos concitoyens et par nos soignants. Les urgences générales, pédiatriques, psychiatriques et gynéco-obstétricales sont malades. L’hôpital souffre… » Pour inverser cette spirale infernale, il souhaite notamment apporter de la souplesse et de la visibilité à ses acteurs. Homme de terrain, il veut surtout redonner toute sa place aux territoires, en impliquant davantage les élus, les soignants et les soignés dans la co-construction des politiques de santé. Son crédo ? Qualifier les problèmes exprimés localement et agir rapidement pour les résoudre.

Un premier dossier brûlant

En attendant de pouvoir mettre ses idées en pratique, le nouveau gouvernement devra d’abord gérer un été à haut risque. Hasard ou coïncidence, le Dr François Braun s’était vu confier une « mission flash » sur les urgences et les soins non programmés, commandée début juin par Emmanuel Macron*. Remises au gouvernement quelques jours avant sa prise de fonction, ses conclusions reposent sur trois grandes orientations : une meilleure régulation des patients en amont et en aval des urgences, une mobilisation accrue des volontaires et une revalorisation des personnels hospitaliers. Fait notable, les 41 propositions du président de Samu-Urgences de France ont reçu un accueil plutôt mitigé. Parmi d’autres réactions, le président de l’Ordre national des infirmiers juge ces mesures insuffisantes et non pérennes. Selon Patrick Chamboredon, la profession devrait bénéficier de compétences élargies. Il plaide notamment pour la création d’une « filière de soins courants » qui contribuerait à désengorger les services d’urgence. Dans le même esprit, la FNI réclame la création d’infirmiers de première ligne qui prendraient en charge certaines affections bénignes.

(*) « Urgences et soins non programmés : des réponses rapides et fortes pour l’été », Dr François Braun (juin 2022).

Un arrêté et une instruction ministériels précisent les conditions de la diplomation accélérée et de l’autorisation temporaire d’exercice pour les infirmiers et les aides-soignants.

Annoncé début juin par Brigitte Bourguignon, alors ministre de la Santé et de la Prévention, ce dispositif exceptionnel doit permettre de faire face aux tensions estivales dans les établissements de santé et médico-sociaux qui manquent de personnels. Il s’adresse aux étudiants qui ont effectué le nombre de stages requis durant leur cursus, et qui ont obtenu l’approbation de leur référent pédagogique.

Autre impératif : ils devront exercer dans une équipe de soins comportant au moins un IDE. Cette autorisation est délivrée par le préfet, en lien avec l’ARS, dans les cinq jours suivant la fin de leur formation. Dans certaines régions, la dynamique prend forme. En moins de trois jours, 387 étudiants franciliens en soins infirmiers se sont déclarés volontaires pour réaliser des vacations avant l’obtention officielle de leur diplôme.

NB : ces dispositions sont transitoires. Elles prendront fin le 30 septembre prochain.

Dans un avis publié fin juin, la HAS plaide pour une (nouvelle) extension des compétences vaccinales des infirmiers, des sage-femmes et des pharmaciens chez les enfants et les adolescents âgés de deux à quinze ans révolus.

Inédite, cette décision concerne tous les produits obligatoires ou recommandés dans le calendrier vaccinal. Si le nouveau gouvernement valide ce choix, les infirmiers pourront prochainement prescrire et administrer treize vaccins : BCG, coqueluche, DTP, grippe, HPV, haemophilus influenzae de type b, hépatite B, méningocoques B, C et ACYW, pneumocoque, ROR et varicelle.

Plusieurs conditions sont toutefois posées, à savoir former les professionnels de santé, améliorer la traçabilité des actes réalisés via des outils numériques en lien avec le DMP et élaborer des indicateurs de suivi en matière de vaccination pour évaluer le bénéfice de la mesure sur la population.

Pour les sujets immunodéprimés, la vaccination restera l’apanage du médecin et deviendra celui de la sage-femme. Selon la HAS, cette évolution doit permettre de « simplifier le parcours vaccinal, multiplier les opportunités de vaccination et augmenter la couverture vaccinale ».

NB : une recommandation similaire avait été formulée début janvier chez les personnes âgées de seize ans et plus.

Dans un communiqué publié mi-juin, le Conseil international des infirmières pointe un accroissement alarmant des actions revendicatives menées par la profession dans le monde entier.

Un phénomène antérieur à la pandémie, mais qui tend à s’aggraver dangereusement depuis deux ans, avec une dégradation notable des conditions de travail qui amplifie les taux de roulement et de démission. Selon cette fédération, la pénurie de soignants et la faiblesse des rémunérations proposées sont les deux causes concomitantes du mal-être infirmier qui se traduit par une hausse des conflits sociaux et des grèves.

Ses responsables dénoncent l’incapacité des différents gouvernements à s’attaquer aux causes profondes de la fragilité, de l’affaiblissement grave et, dans certains cas, de l’effondrement des systèmes de santé, dont les patients seront les premières victimes. « Si nous ne faisons pas les investissements requis pour développer et renforcer nos effectifs de santé, nous continuerons de souffrir sur le plan économique, et l’accès à des soins de santé de qualité pour tous ne sera qu’un vœu pieux », prévient Howard Catton, directeur général du CII.

NB : le CII est une fédération qui regroupe plus de 130 associations nationales d’infirmières, soit plus de 28 millions de professionnels dans le monde.

La commission santé publique et démographie de l’Ordre national des masseurs-kinésithérapeutes vient d’élaborer un outil de dépistage de la fragilité motrice, accompagné d’un guide pratique expliquant son utilisation.

Destiné aux personnes de 65 ans et plus, vivant à domicile, il constitue une « base nationale commune, standardisée et de qualité » qui doit permettre d’améliorer la prévention du risque dans les populations vieillissantes. A l’issue d’un interrogatoire et d’un test clinique réalisés par le masseur-kinésithérapeute, le score fonctionnel obtenu permet de déterminer la suite du protocole. Les besoins du patient se limiteront parfois à de simples conseils. Dans certains cas, un programme de préservation des capacités locomotrices et/ou une orientation vers le médecin traitant ou le gériatre seront nécessaires pour les sujets entrant dans la fragilité. « La prévention et la rééducation par le mouvement sont des investissements d’avenir, indispensables pour la santé de nos concitoyens. Les kinésithérapeutes doivent prendre toute leur part pour faire de la prévention un élément majeur de leur prise en charge », estime le Cnomk.

La reprise épidémique n’augure rien de bon. Faute de moyens humains et financiers, les urgences sont promises à une nouvelle crise.

Les craintes sont fondées. De nombreux services seront effectivement fermés cet été. Les propositions de la « mission Braun » seront-elles suffisantes pour éviter le pire ? Désormais en ordre de marche, le nouveau gouvernement va connaître son premier baptême du feu.

Longtemps attendu, le casting est finalisé. Séduisant sur le papier, le binôme François Braun/Agnès Firmin-Le Bodo suscite un optimisme non dissimulé chez les représentants des professionnels de santé. Leur popularité et leur connaissance du terrain seront deux atouts non négligeables pour redynamiser le système de santé, mais gare au principe de réalité dans une France divisée.

Face à une Assemblée nationale loin de lui être acquise, le gouvernement devra trouver des majorités de circonstance pour voter des reformes essentielles. Certains sujets fondamentaux, comme l’accès aux soins et la prévention, devront être impérativement préservés des querelles institutionnelles. Certaines avancées promises devront également se concrétiser, à l’instar de la révision du référentiel de formation des infirmiers.

Une chose est sûre : les pressions exercées sur l’appareil sanitaire ne devront pas se répercuter sur les étudiants et les néo-soignants. Un environnement délétère pourrait altérer leur motivation, voire pire. Les conditions d’accueil dans les structures de soins seront déterminantes pour les encourager… et les fidéliser.