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Emmanuel Macron propose ses solutions pour résoudre la crise systémique qui frappe la ville et l’hôpital. Formation, organisation, rémunération… Il compte actionner différents leviers pour redonner du sens aux métiers de la santé et améliorer l’accès aux soins des Français.

« La santé n’est pas une politique publique parmi d’autres. Elle est celle qui permet toutes les autres. » Le Dr Macron a posé son diagnostic, rédigé sa prescription et détaillé son ordonnance. Dans un contexte explosif, marqué par la fronde des médecins libéraux et la lassitude des personnels hospitaliers, la prise de parole du président de la République était très attendue. Comme un symbole, il a choisi le Centre Hospitalier Sud Francilien de Corbeil-Essonnes, en région parisienne, pour présenter ses vœux aux soignants et fixer un nouveau cap. Son plan d’action affiche deux grandes ambitions : redonner du sens aux métiers de la santé et renforcer l’accès aux soins des Français. Gagner du temps médical, améliorer les organisations de travail, assurer la permanence et l’universalité des soins… Telles seront les trois priorités. La patience sera toutefois de rigueur. Profonde et durable, la crise systémique va perdurer, notamment pour des raisons démographiques. Longue et complexe, la transformation voulue prendra au moins une décennie.

Des réponses concrètes

Parmi d’autres chantiers, la T2A sera réformée. Selon Emmanuel Macron, la tarification hospitalière reposera davantage sur des objectifs de santé publique qui seront négociés à l’échelon d’un territoire. Précision de circonstance : la nature du mode de financement et les orientations budgétaires seront discutées dans le cadre du PLFSS 2024. Une réorganisation du temps de travail et des plannings sera également mise en place pour rendre l’hôpital plus attractif, mais aussi pour lui permettre de conserver ses soignants. La date butoir est fixée au 1er juin. Autre annonce forte : la direction des hôpitaux sera prochainement assurée par un tandem « administratif et médical ». Pour apaiser le mécontentement des médecins libéraux, qui multiplient les grèves depuis deux mois, le chef de l’exécutif promet la formation et le recrutement de 6 000 assistants médicaux supplémentaires d’ici fin 2024. Il s’engage surtout à mieux rémunérer « ceux qui assurent la permanence des soins ambulatoires et ceux qui prennent davantage de patients ». Certaines contreparties seront néanmoins exigées : chaque assuré devra avoir un médecin de référence dans son bassin de vie ; les 600 000 malades chroniques sans médecin traitant devront en avoir un avant la fin de cette année.

Satisfecit de l’ONI

Une chose est sûre : toutes les pistes seront explorées pour améliorer l’accès aux soins des Français. Pénurie médicale oblige, la délégation des tâches sera simplifiée et l’accès direct aux professions paramédicales facilité… dans des conditions qui restent à préciser. Lancinante, la problématique des ressources humaines sera également traitée. Une réforme des études de santé sera menée d’ici l’été pour « limiter les échecs et les abandons ». Outre une optimisation du système ParcourSup, des places supplémentaires seront ouvertes dans les instituts de formation, notamment chez les infirmiers. Particulièrement satisfait, l’ONI valide le projet présidentiel. « Ces annonces témoignent d’un pragmatisme, d’un esprit de responsabilité et d’une volonté réformatrice à la hauteur des enjeux (…) Elles tracent de nouvelles perspectives en matière de coopération et de partage des compétences », souligne l’instance ordinale, dans un communiqué. Prudentes et réservées, les fédérations hospitalières y sont globalement favorables, contrairement aux instances représentatives des médecins libéraux. Entre colère et consternation, elles dénoncent une profonde méconnaissance des difficultés et des attentes de la profession. Certaines centrales syndicales évoquent même une destruction programmée de la médecine de ville.


Photo : Luc Seba/Cocktail Sante

Le projet de loi soumis aux parlementaires le 18 mars dernier était centré sur les mesures qui nécessitent des modifications pour que ma santé 2022 puisse s’appliquer.

Dans ce projet, des mesures auront certainement des impacts sur l’activité des Instituts de formation qu’il conviendrait d’anticiper avant d’être face à des difficultés. Ainsi, la révision de la carte hospitalière aura certainement des impacts sur l’organisation des stages pour les étudiants paramédicaux. En effet, le rattachement d’un grand nombre d’Instituts, surtout les IFSI, à des hôpitaux de proximité recentrés sur la médecine générale, la gériatrie et la réadaptation risque de questionner la diversité des stages et le développement des compétences.

Mais par ailleurs, l’orientation des projets pédagogiques, en lien avec l’activité de l’hôpital de rattachement peut également favoriser la fidélisation des professionnels paramédicaux, dans des zones où si le recrutement médical est délicat, le turn over des soignants est également présent. La mise en place des Communautés ProfessionnellesTerritoriales de Santé (CPTS) peuvent être une ouverture au développement de terrains de stage, auprès des libéraux et au sein des maisons de santé.

La façon de prendre soin des patients et plus particulièrement la relation soignant-soigné va également se transformer avec le « télésoin » : accompagnement par les infirmiers des patients souffrant d’effets secondaires de chimiothérapie orales, ou encore des séances d’orthophonie et d’orthoptie à distance.

Il est indispensable d’intégrer ce nouveau mode relationnel dans les formations, car si cette mesure permet de répondre rapidement à la demande de la population, la qualité relationnelle doit rester de qualité.

Les infirmiers auront aussi la possibilité d’adapter la posologie de certains traitements en fonction des résultats d’analyses biologiques. L’intégration des thérapeutiques, de leurs effets secondaires et la mise en lien avec les résultats des examens représentent pour les étudiants en soins infirmiers des difficultés importantes.

Voici un objet de réflexion qui pourrait servir de travail de recherche !

La prévention et l’éducation à la santé occupe une place prépondérante dans les orientations de « Ma Santé 2002 ». L’expérience vécue dans le cadre du service sanitaire fera l’objet d’une évaluation avant de le généraliser à l’ensemble des formations en santé. Mais déjà, si la notion de pluriprofessionnalité mise en avant dans ce projet mais aussi dans nombre de projets trouve sa légitimité dans les conceptions, dans la réalité, nombre de difficultés sont à franchir.

Le constat est unanime : les acteurs du système de santé doivent aboutir à une meilleure coordination dans la prise en charge. Si certains professionnels y voient l’opportunité de redéfinir leur rôle, d’autres se préoccupent au contraire de défendre leur pré carré.

A l’occasion du lancement de la campagne de vaccination contre la grippe, la ministre de la Santé Agnès Buzyn s’est déclarée « plutôt favorable » à une extension de la vaccination contre la grippe par des pharmaciens, expérimentée dans quatre régions :

« J’attends le bilan et je verrai avec les pharmaciens et également les médecins et les infirmières qui sont également impactés ».

De son côté, l’Ordre national des infirmiers a réclamé :

« L’élargissement de la vaccination antigrippale à tous les adultes ainsi que l’élargissement à d’autres vaccins ». « Pourquoi brider artificiellement notre profession, parfaitement formée pour exercer cet acte de soin? »

s’est interrogé Patrick Chamboredon, le président de l’Ordre des infirmiers.

Dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale, la Cour des comptes a, quant à elle, trouvé un moyen de lutter contre la pénurie des ophtalmologues : elle propose d’autoriser les opticiens spécifiquement formés à « prescrire des équipements d’optique en première intention ». Concernant les orthoptistes, les Sages estiment qu’ils pourraient être admis à effectuer des bilans visuels et des consultations simples de premier recours dans leur propre cabinet, sans être salariés d’ophtalmologues, et prescrire à ce titre des équipements optiques.

Les pharmaciens vont-ils eux aussi avoir le droit de prescrire ? Philippe Gaertner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France a salué le projet d’expérimentation d’une prescription pharmaceutique protocolisée (dans des pathologies comme la cystite, la conjonctivite ou l’eczéma) contenu dans un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). La proposition, qui a fait grincer des dents parmi les syndicats de médecins a été finalement rejetée par l’Assemblée. Mais l’idée va sans doute faire son chemin.

Outre les futurs assistants médicaux, entité encore assez vague mais qui viendra s’ajouter au mille-feuille des métiers de la santé, les infirmiers en pratique avancée (IPA) vont devoir s’imposer avec leurs nouvelles compétences. Avec des fonctions transversales, les IPA ne sont en concurrence ni avec les IDE, ni avec les médecins.

Pour éviter tout conflit de territoire et de responsabilités, un protocole d’organisation, très balisé a d’ailleurs été retenu, à la demande de la profession médicale.

Confusion ou adaptation des métiers ? Face au vieillissement de la population et à la désertification médicale, il est en tout cas probable que ces évolutions n’en soient qu’à leurs prémices. L’essentiel reste de pouvoir compter sur des interlocuteurs bien formés et reconnus.