Articles

Dans le sillage des biologistes, les médecins et les infirmiers libéraux battent le pavé. Ce mouvement de fond incarne le profond mal-être des soignants, mais aussi l’incapacité des pouvoirs publics à proposer des solutions efficaces pour apaiser durablement les esprits. Un « janvier noir » se profile…

Les biologistes ont ouvert la voie. Les médecins et les infirmiers leur ont emboîté le pas. Depuis la mi-novembre, les relations entre les libéraux de santé et les pouvoirs publics se sont considérablement dégradées. Deux points noirs cristallisent les frustrations : la nouvelle loi de financement de la Sécurité sociale et la politique conventionnelle. Entre les économies attendues chez certains et les revalorisations tarifaires espérées par d’autres, les grèves se multiplient, gagnent en intensité et deviennent contagieuse. Révélatrice du profond mal-être éprouvé par les soignants, cette période houleuse révèle l’incapacité des pouvoirs publics à proposer des solutions efficaces pour apaiser durablement les esprits. Leurs doléances ne sont pas uniquement financières. Les professionnels de santé veulent redonner du sens à leur métier.

Les raisons de la colère

Réunis au sein de l’ABM*, les syndicats et les groupes de biologie médicale dénoncent le poids exorbitant des baisses tarifaires imposées à la profession. Ses représentants consentent une économie de 685 millions d’euros sur quatre ans, là où les pouvoirs publics exigent 1,3 milliard. Deux grèves plus tard, aucun compromis n’a été trouvé. En guise de protestation, les membres de l’Alliance viennent de suspendre la transmission des données biologiques sur « Mon espace santé » pour une durée indéterminée et annoncent « un mois de janvier noir ». Engagés dans une négociation conventionnelle décisive pour leur avenir, les médecins libéraux plaident pour une réévaluation de leurs tarifs, dont une revalorisation significative de la consultation de base chez les généralistes. A l’initiative des deux journées de fermeture des cabinets médicaux en début de mois, le collectif « Médecins pour demain » maintient la pression sur l’assurance maladie. Faute de propositions chiffrées, il appelle à une grève « dure et illimitée » à compter du 26 décembre.

Un cocktail explosif

Particulièrement mécontents, les infirmiers ont déjà battu le pavé à deux reprises en trois semaines, et ne comptent pas en rester là. Soutenus par plusieurs syndicats, ils réclament une juste reconnaissance de leur investissement et de leurs compétences, mais aussi la prise en compte de leurs revendications financières. Ils entendent durcir le mouvement en cessant « toute nouvelle prise en charge » durant les vacances de Noël. Cette fronde libérale intervient au plus mauvais moment. Les dernières données épidémiologiques sont formelles : la France est confrontée à une triple épidémie inédite, dont l’évolution est encore difficile à prévoir. Le retour en force de la Covid-19 va accroître la pression sur le système de santé, déjà confronté à une explosion des cas de grippe et de bronchiolite. Toujours opposé au port obligatoire du masque dans les lieux clos, le gouvernement mise sur la responsabilité citoyenne, y compris en matière de vaccination. Critiqués pour leur confusion, les messages de prévention seront essentiels pour limiter les dégâts.

(*) Alliance de biologie médicale – ABM.


Photo : Luc Seba /Cocktail Santé

La LFSS 2023 comporte de nombreuses avancées structurantes pour la profession infirmière. Elle institutionnalise notamment l’extension de leurs compétences vaccinales, mais aussi leur participation à la permanence des soins selon un principe de « responsabilité collective ».

La liste des vaccins administrables sera détaillée par arrêté, et les conditions de rémunération pour la PDSA et la PDSES seront fixées par décret. Autre voie de progrès majeure : le texte prévoit deux expérimentations inédites, dont les modalités exactes seront ultérieurement précisées par voie règlementaire.

Le principe d’un accès direct aux infirmiers en pratique avancée sera expérimenté pendant trois ans dans trois territoires en tension pour libérer du temps médical et améliorer l’accès aux soins. Conformément à la volonté du législateur, la profession pourra également réaliser et signer des certificats de décès. Cette expérimentation sera conduite durant un an dans six territoires avant une éventuelle généralisation. La mesure sera financée par le Fond d’intervention régional dans des proportions qui restent à déterminer.


Photo : Frédérik Astier/Cocktail Santé

Les syndicats professionnels et l’assurance maladie ont repris les négociations autour du bilan de soins infirmiers.

Rompues en juillet, les discussions portent notamment sur la dotation et les modalités tarifaires de ce dispositif conventionnel qui avait été suspendu l’an dernier, en raison du dépassement de l’enveloppe budgétaire alloué. Parmi d’autres avancées, son montant a été pratiquement doublé, passant de 365 à 679 millions d’euros. Une évolution notable qui permettrait d’intégrer d’autres tranches d’âge, tout en conservant les critères de prise en charge fixés pour les personnes âgées de plus de 90 ans.

Autre demande exaucée : une expérimentation de six mois sera déployée dès le mois de janvier pour sécuriser le déploiement de l’outil ; la généralisation à l’ensemble de la population pourrait finalement intervenir en avril 2023. A l’instar des règles de calcul du forfait octroyé aux infirmiers, plusieurs points d’achoppement freinent encore la conclusion de l’accord.

Toujours incertaine, la signature de l’avenant 8 est néanmoins attendue avant la fin de l’année.

NB : le BSI permet à l’infirmier d’évaluer l’état de santé de son patient dépendant en vue d’établir un plan de soins infirmiers personnalisé.

Six professions libérales* conventionnées ont élu leurs représentants. Supervisées par la direction de la Sécurité sociale, les élections aux unions régionales des professionnels de santé se sont tenues par voie dématérialisée du 31 mars au 7 avril derniers.

Elles auront été marquées par un très faible taux de participation. Exception faite des masseurs-kinésithérapeutes, seule corporation à s’être davantage mobilisée, il affiche même une nette involution par rapport au précédent scrutin, dans des proportions toutefois très variables selon les métiers. Les différents responsables syndicaux attribuent ce phénomène à deux causes majeures : la pandémie et le vote électronique ; une première dans l’histoire. D’aucuns y voient le signe d’une désaffection profonde et durable pour les joutes syndicales, voire le syndicalisme lui-même. Lassitude, défiance, individualisme, consumérisme…

Les raisons du désenchantement sont multiples. Chez les infirmiers libéraux, la FNI a nettement accru son avance, au détriment du SNIIL et de Convergence infirmière – Confédération nationale des syndicats d’infirmiers libéraux français. Nouveau venu dans le paysage syndical, Infin’idels recueille 8,96 % des suffrages exprimés. Organisé tous les cinq ans, ce processus électoral revêt une double dimension. Il détermine la représentativité nationale de chaque syndicat, condition sine qua non pour négocier directement avec les pouvoirs publics, notamment dans le cadre conventionnel. Il permet également de désigner les membres des URPS, interlocutrices directes des ARS dans les territoires.

(*) Les médecins, les dentistes, les pharmaciens, les infirmiers, les kinésithérapeutes et les orthophonistes.

Les résultats complets du vote infirmier

  • Taux de participation : 19,83 % vs 23,29 % en 2015
  • FNI : 42,40 % vs 36,95 %
  • SNIIL : 25,4 % vs 35,16 %
  • Convergence infirmière – Confédération nationale des syndicats d’infirmiers libéraux français : 23,23 % vs 18,48 %
    Infin’idels : 8,96 %

Depuis le 21 janvier, toute personne testée positive à la Covid-19 se voit proposer la visite à domicile d’un infirmier libéral par les services de l’Assurance maladie.

Cinq semaines après le lancement de ce dispositif exceptionnel, 40 000 visites ont déjà été réalisées. Selon les premières données communiquées par la Cnam, 15 % des patients souhaitent bénéficier de ce service ; un chiffre qui a doublé en l’espace d’un mois. Chez les personnes infectées par les variants les plus contagieux, cette proportion est même deux fois plus élevée. A noter : la visite est automatiquement programmée au début de la phase de « quarantaine ». Gratuite et sans avance de frais, elle doit notamment permettre d’expliquer les consignes d’isolement et de rappeler les gestes barrières. Elle doit également permettre d’identifier les situations de vulnérabilité et les besoins matériels éventuels (démarches administratives, aide à domicile, repas, portage de courses ou de médicaments, accès aux communications électroniques, soutien psychologique…).

A toute fin utile, un test de dépistage est proposé à tous les membres du foyer. Dans tous les cas, un compte-rendu est systématiquement transmis au médecin traitant du patient.

NB : Fin février, 33 000 infirmiers libéraux étaient inscrits sur une plateforme publique, destinée à organiser ces visites d’appui à l’isolement.

En Occitanie, les personnes nouvellement contaminées se voient proposer la visite d’une infirmière libérale à domicile pour optimiser les conditions de la septaine.

Lancé fin janvier, le dispositif est déclenché avec l’accord du patient, dans un délai de vingt-quatre heures suivant la confirmation du diagnostic. Ce service est totalement gratuit pour les requérants. L’acte pourra néanmoins être facturé par les professionnels à l’assurance maladie. Il sera rémunéré à hauteur de 22,64 euros.

En contrepartie, les infirmiers libéraux seront notamment chargés de relayer les messages de santé publique et de prévention. Ils devront également expliquer les consignes d’isolement et rappeler les gestes barrières à adopter. Ils devront par ailleurs identifier les situations de vulnérabilité et les besoins éventuels. Si nécessaire, ils pourront dépister les autres membres du foyer. Dans tous les cas, ils devront informer le médecin traitant du patient concerné.

Mise en place par l’URPS et l’ARS, une plate-forme régionale permet aux infirmiers volontaires de se signaler pour faciliter l’organisation des visites.

Selon la Drees, il y avait 744 307 infirmiers en poste au 1er janvier 2020, soit une hausse de 3 % par rapport à l’année précédente.

Au-delà de cette seule variation, les données statistiques disponibles permettent de dégager les grandes tendances professionnelles du moment. Majoritairement exercé par des femmes (644 359), le métier d’infirmier se pratique essentiellement à l’hôpital (479 836), très loin devant les autres formes de salariat (132 896) et l’activité libérale ou mixte (131 575).

Autre caractéristique notable : la pyramide des âges est quasi identique, quels que soient les sexes et les statuts. Les membres de la profession ont 45,3 ans, en moyenne.

Les trois spécialités les plus représentées sont la puériculture (23 054), l’anesthésie (11 440) et le bloc opératoire (8 522).

En matière d’implantation géographique, l’Ile-de-France (121 159), l’Auvergne-Rhône-Alpes (94 967) et l’Occitanie (73 864) sont les trois régions les mieux loties.

Signé le 29 mars dernier, l’avenant 6 à la convention nationale des infirmiers libéraux introduit plusieurs nouveautés au sein de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP).

Certaines d’entre elles sont entrées en vigueur le 1er janvier dernier, à commencer par le bilan de soins infirmiers pour les personnes dépendantes âgées de 90 ans et plus (25 € pour un bilan initial ; 12 € pour un renouvellement). Trois forfaits journaliers sont également instaurés pour les prises en charge légères (13 €), intermédiaires (18,20 €) et lourdes (28,70 €).
Trachéotomie, changement de canule, abdominoplastie, chirurgie mammaire, stripping veineux, stomies : la pose de certains pansements courants a été revalorisée (AMI 3). Du côté des pansements lourds et complexes, trois nouveaux actes ont été créés : bilan initial pour les plaies par épisode de cicatrisation (AMI 11), analgésie topique (AMI 1,1) et pansement avec compression (AMI 1,5). Autres « entrées » remarquées, la création d’une majoration conventionnelle pour les enfants de moins de sept ans (3,15 €) et la création d’un acte d’accompagnement du patient à la téléconsultation, au cours d’un soin infirmier (10 €), dans un lieu dédié (12 €) ou à son domicile (15 €). A l’instar des pharmaciens d’officine, les infirmiers libéraux perçoivent désormais un euro par DMP ouvert.

NB : L’arrêté d’approbation de l’avenant conventionnel sur la pratique avancée a été publié au Journal officiel du 3 janvier 2020 : http://www.andep.fr/ipa-accord-total-sur-la-remuneration/

Mesure phare de l’avenant 6, le bilan de soins infirmiers est officiellement entré en vigueur le 1er janvier dernier.

Il acte notamment la création de trois nouveaux forfaits journaliers pour la prise en charge à domicile d’un patient dépendant, en fonction de critères objectifs (lire notre article à ce propos).

A compter du 1er mai prochain, les infirmiers pourront également facturer certains actes techniques, notamment pour les patients insulino-traités. A noter : ce dispositif, qui se substitue à la démarche de soins infirmiers, fera l’objet d’un bilan initial, qui pourra être renouvelé.  Actuellement réservé aux personnes âgées de 90 ans et plus, il sera élargi à d’autres tranches d’âge dans les années à venir (85 ans et plus – 1er janvier 2021 ; 78 ans et plus – 1er janvier 2022). Il sera même généralisé à toutes les personnes dépendantes le 1er janvier 2023.

Selon l’assurance maladie, le BSI fera progressivement évoluer les conditions de tarification des soins réalisés auprès des patients dépendants, en prenant mieux en compte la quantité de travail de l’infirmier et le niveau de complexité de certaines prises en charge. « Il s’agit d’une évolution majeure qui permettra d’améliorer l’organisation du maintien à domicile, mais aussi de faciliter la coordination avec le médecin prescripteur », souligne la CNAM, qui estime son financement à 102 millions d’euros sur la période 2019-2023.