Le gouvernement et les parlementaires rivalisent de propositions pour réguler la pratique médicale, ce dont les médecins ne veulent pas entendre parler. La tension monte et le conflit pourrait bien durer. Explications.
Les médecins sont assaillis de toutes parts. En marge des débats parlementaires sur la PPL Garot, qui prévoit notamment de réguler les installations médicales, le gouvernement dit avoir choisi une « voie alternative ». Dévoilé fin avril par le Premier ministre, à l’occasion d’un déplacement dans le Cantal, le nouveau pacte de lutte contre les déserts repose sur quatre grands axes : diversifier l’origine géographique et sociale des étudiants en permettant à plus de jeunes d’accéder aux études de santé, sur l’ensemble du territoire ; déployer un principe de solidarité de l’ensemble de la communauté médicale afin de développer l’offre de soins dans les territoires les plus critiques ; moderniser et simplifier les organisations entre les professionnels de santé et unir les compétences pour soigner davantage de patients ; créer des conditions d’accueil attractives pour les étudiants et les professionnels de santé sur tout le territoire avec le soutien des élus locaux. Selon le gouvernement, les dispositions inscrites dans ce plan représentent un potentiel de cinquante millions de consultations supplémentaires par an au bénéfice des zones sous-dotées.
Sa mesure phare ? Imposer aux médecins situés dans des territoires bien pourvus de pratiquer un ou deux jours par mois dans un secteur sinistré. Jeunes ou moins jeunes, les généralistes et les spécialistes concernés obtiendront des contreparties financières, dont le montant n’a pas encore été dévoilé, mais ils seront pénalisés en cas de refus. Initialement réservée aux « zones rouges » qui seront prochainement délimitées par les agences régionales de santé*, en lien avec les préfets et les élus locaux, cette mesure coercitive sera, dans un second temps, étendue à l’ensemble des zones sous-denses. Elle se traduira par une généralisation de la permanence des soins avec un recours plus automatique à la réquisition des médecins.
Incitation ou coercition ?
Certains parlementaires veulent aller encore plus loin. Portée par Guillaume Garot, député socialiste de la Mayenne, une proposition de loi transpartisane prévoit la suppression de la liberté d’installation. La solution ? Médecins libéraux et salariés devront, avant de s’installer, solliciter l’aval de leur agence régionale de santé, qui pourra le leur refuser dans les territoires suffisamment pourvus. Aucune arrivée ne sera autorisée sauf pour compenser un départ. « Six millions de Français n’ont pas de médecin traitant. Ce n’est pas une question de droite ou de gauche. C’est une histoire de pacte républicain. La régulation de l’installation des médecins reste la pierre angulaire de toute politique réellement efficace. Elle permettra d’améliorer durablement la répartition des ressources médicales sur tout le territoire », confirme son auteur.
Etudiants, internes, jeunes médecins, praticiens installés… Une très large partie du corps médical rejette toute forme de coercition. A l’initiative du président de l’ANEMF**, Lucas Poittevin, une grève nationale intersyndicale illimitée a été lancée le 28 avril dernier. Le mot d’ordre est clair : la PPL Garot et le plan Bayrou ne résoudront ni la crise de la désertification médicale, ni les difficultés d’accès aux soins des Français. Selon les grévistes, ces contraintes supplémentaires compromettront l’attractivité de la médecine libérale. Comme le redoutent ses représentants, elles pourraient détourner la nouvelle génération de la profession. Ces revendications seront-elles prises en compte par les tutelles ? La liberté d’installation sera-t-elle sacrifiée sur l’autel de l’accès aux soins ? Une chose est sûre : les médecins excluent formellement cette éventualité. Ils font du renforcement des incitations tarifaires et de la hausse des quotas de formation les deux grands piliers de leurs contre-propositions.
(*) Les « zones rouges » au sein desquelles une permanence médicale doit être instaurée en priorité devaient être définies à l’échelle de l’intercommunalité par les agences régionales de santé, en lien avec les préfets et les élus de ces territoires, avant la fin du mois de mai.
(**) Association Nationale des Etudiants en Médecine de France – ANEMF.