La présidente de l’ANdEP dévoile le contenu des réflexions menées lors de la journée annuelle des adhérents, qui s’est tenue le 4 décembre dernier. Les impacts de la crise sanitaire sur les différentes formations paramédicales soulèvent de nombreuses interrogations. Ils tracent aussi de nouvelles perspectives. Constats et propositions.

 

Comment s’est déroulée la traditionnelle journée annuelle des adhérents de l’ANdEP ?

Initialement prévue au mois de mars, elle avait été repoussée en octobre, puis en décembre. Reconfinement oblige, elle s’est tenue à distance, en visio-conférence. La moitié des adhérents ont répondu présent. Une vraie performance dans le contexte actuel ! La journée s’est déroulée en deux temps. Le matin, il était question de nos relations avec les tutelles. L’après-midi était consacrée aux liens que nous entretenons avec les étudiants, les autres instituts de formation et les établissements de soins, qu’ils soient hospitaliers ou médico-sociaux.

Quels ont été les principaux impacts de la crise sanitaire sur les instituts de formation paramédicaux ?

Le positionnement des ARS soulève de nombreuses interrogations. La gestion de l’urgence sanitaire aura été très variable selon les territoires, mais aussi entre les deux vagues épidémiques. Une constante émerge toutefois : le manque de cohérence dans les décisions publiques. Certains de nos établissements ont été fermés, alors que le virus circulait faiblement… et vice-versa. Il manque une stratégie claire pour maintenir la continuité de la formation.

Que proposez-vous ?

Depuis le début de la crise, nos instituts de formation fonctionnent tant bien que mal, au gré des injonctions formulées par les ARS. Qu’importe l’apprentissage ou la qualification professionnelle, les chances doivent être les mêmes pour tous. Les besoins doivent être évalués plus rigoureusement pour réduire les pertes de chance. Les ARS doivent pleinement assumer leur rôle, y compris au sein de nos structures.

C’est-à-dire ?

Nombre d’ARS se sont désengagées de la présidence de certaines de nos instances. C’est vrai pour l’ICOGI*. C’est aussi vrai pour les conseils de discipline et les conseils techniques. Le phénomène ne date pas d’aujourd’hui. Il a même tendance à s’amplifier avec le temps. Il est devenu réellement problématique pendant la crise. Cette responsabilité génère une charge de travail importante et une pression accrue pour les directeurs d’institut. Les ARS doivent garder la place qui leur est conférée par les textes officiels. Elles doivent également nous aider à trouver des terrains de stage.

Vos liens tutélaires avec deux ministères distincts ont-ils été un frein dans la gestion de vos établissements ?

Nous avons inévitablement pâti de cette « double valence ». Nous étions souvent pris entre deux feux, sans trop savoir quelles directives appliquer. Le vade-mecum publié par le ministère de la Santé ne suffit pas. Les règles sont trop disparates d’une région à l’autre. Les inégalités croissantes en matière d’accès à la formation nécessitent un cadrage national. Une chose est sûre : la continuité pédagogique et les stages professionnels doivent être rapidement élevés au rang de priorité absolue. Il en va de l’intérêt de nos patients. Il en va de l’avenir de nos soignants. Il en va de l’attractivité de nos professions.

Pleinement mobilisés pendant la crise, les étudiants ont-ils été bien accueillis dans les établissements de soins ?

Nous n’avons pas constaté de difficultés particulières concernant les étudiants venus prêter main forte aux équipes de soins. En revanche, l’accueil en stage pose question. La problématique des équipements de protection individuelle reste entière. Le financement du matériel adéquat ne peut pas reposer sur les finances des étudiants ni celles de nos instituts. Une instruction a été publiée au mois d’août dernier, à propos des tenues. Il appartient aux établissements de soins de leur fournir, ce qui est parfois difficile pour des raisons purement logistiques. L’expérience prouve que le message n’est pas passé partout. Il nous faut néanmoins faire preuve de diplomatie. C’est un sujet délicat qui pourrait nous coûter des places de stage, dont nous avons cruellement besoin.

Un besoin renforcé par la hausse programmée des quotas de formation prévue dans le Ségur de la santé…

Effectivement. Pour mener à bien cette réforme, nous aurons besoin de moyens supplémentaires, à commencer par des stages qualifiants en nombre suffisant, sans lesquels il nous sera impossible de former de nouveaux professionnels. Aucune réglementation ne contraint actuellement un établissement de soins à accueillir un stagiaire. Il faudra probablement réfléchir à des dispositifs plus incitatifs. Il faudra également reconnaître et valoriser le tutorat, avec la création d’un statut spécifique. Certains ajustements seront par ailleurs indispensables dans la formation des cadres de santé, à commencer par le renforcement du volet pédagogique.

Dans vos instituts, comment les équipes de formation se sont-elles adaptées à la crise sanitaire ?

Face à des orientations contradictoires et confusantes, elles ont su faire preuve d’une réactivité exceptionnelle et d’une capacité d’adaptation remarquable. Je pense aux directeurs d’institut et aux équipes pédagogiques, mais aussi aux personnels administratifs que l’on a trop souvent tendance à oublier, quand il s’agit d’évoquer le bon fonctionnement de nos structures. Malgré les nombreuses difficultés rencontrées depuis un an, le bilan est très satisfaisant. Nous avons globalement su maintenir la continuité de l’enseignement. Nous avons également pu diplômer nos étudiants.

Quid de l’enseignement à distance ?

A l’heure du premier confinement, nous avons dû totalement repenser nos stratégies d’apprentissage. Pour la plupart, il nous a fallu maîtriser des outils technologiques peu familiers, ne serait-ce que pour proposer un suivi adapté et personnalisé à nos étudiants, en formation initiale ou en stage. Nos équipes pédagogiques ont relevé le défi avec sérieux et application, y compris dans l’accompagnement de la détresse psychologique. Durant l’été, nous avons tiré tous les enseignements de cette nouvelle pratique. Cette réflexion de fond devra se prolonger au-delà de la crise.

Quelles sont les voies de progrès envisagées ?

Le numérique doit définitivement trouver sa place dans l’enseignement, en tant que levier stratégique de la formation. Nous ne sommes pas encore rompus à ce type d’exercice. Nous devrons approfondir nos méthodes et restructurer notre ingénierie. Nous aurons également besoin d’outils et de référentiels fiables. Nous devrons par ailleurs réfléchir au management à distance. De toute évidence, le secteur de la formation n’échappera pas à l’essor programmé du télétravail. Nous ne négligerons pas pour autant le facteur humain. Nous l’avons tous constaté : le partage et l’échange perdent en intensité dans le monde virtuel.

Propos recueillis par Hugues Rieu

(*) Instance compétente pour les orientations générales de l’institut – ICOGI.