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Le déconfinement n’est pas une fin en soi. C’est une étape cruciale dans la gestion de l’épidémie. Si la question du devenir de nos formations professionnalisantes et universitarisées reste entière, commençons déjà par rendre hommage aux directeurs d’instituts et aux équipes pédagogiques pour leur engagement sans faille au cours des dernières semaines.

Confrontés à une situation exceptionnelle, ils ont dû s’adapter, tant bien que mal. Ils se sont attachés à garantir la continuité des enseignements, quitte à utiliser des moyens dématérialisés qui leur étaient parfois peu familiers. Il nous appartient désormais d’élaborer des stratégies appropriées pour les former à l’usage des outils numériques, qu’il faudra également diffuser plus largement, dans l’intérêt de nos étudiants.

Notre mission est loin d’être terminée. Il convient notamment de repenser la fin du semestre, en déployant des modalités alternatives et progressives, en accord avec les agences régionales de santé, les conseils régionaux, les établissements support ou les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, en ce qui concerne la diplomation. Ces mesures seront naturellement variables d’un territoire à l’autre, mais la notion d’équité devra être privilégiée au sein d’une même région.

Il y a un point crucial sur lequel nous sommes tous d’accord : la diplomation est un enjeu fondamental, peut-être plus encore aujourd’hui, tant les futurs professionnels sont attendus de pied ferme dans les différentes structures de soins. La crise doit nous servir d’exemple, à bien des égards. De toute évidence, il faudra capitaliser sur cette expérience pour préparer la rentrée prochaine, qui approche à grands pas. Il nous faudra composer avec les incertitudes pour accueillir au mieux les futurs étudiants.

Protéger, dépister et isoler : telle sera la stratégie du gouvernement, qui n’hésitera pas à durcir le ton si les principaux indicateurs de santé publique venaient à se dégrader d’ici au 2 juin. Au regard de l’immunité collective acquise, la menace d’une seconde vague épidémique n’est pas à exclure…

Il s’agit d’une étape cruciale dans la gestion de l’épidémie. A compter du 11 mai, le déconfinement sera total, exception faite de Mayotte, où la diffusion du virus n’est pas totalement maîtrisée. Sur la corde raide, l’Ile-de-France bénéficie d’un sursis. « Le nombre de personnes contaminées diminue, mais reste plus élevé que prévu. Cette réalité épidémiologique dans une région aussi peuplée, où les interactions sont si nombreuses, nous impose une discipline renforcée », précisait Edouard Philippe, le 7 mai dernier. Des mesures restrictives ont donc été décidées, en particulier dans les transports en commun, probable vecteur de diffusion du Covid-19. En conséquence, le port du masque sera obligatoire dès l’âge de onze ans, sous peine d’être sanctionné d’une amende de 135 euros. Aux heures de pointe (6h30-9h30 ; 16h-19h), les voyageurs seront également tenus de justifier leurs déplacements. Ils devront impérativement disposer d’une « attestation de leur employeur » ou d’un « motif impérieux » pour échapper à la verbalisation. Un durcissement des contraintes n’est pas à exclure « si la distanciation physique n’était pas appliquée et si la situation ne s’améliorait pas », a prévenu le Premier ministre.

Trois indicateurs clés

Un temps évoqué pour des motifs de sécurité, les personnes âgées, handicapées et les malades chroniques ne seront finalement pas mis au ban de la société, y compris sur les terres franciliennes. Edouard Philippe a néanmoins lancé un appel à la vigilance et à la responsabilité : « Les plus fragiles d’entre nous devront continuer à observer des règles strictes, comparables à celles du confinement. Toutes les précautions devront être respectées. »
Outre Mayotte et l’Ile-de-France, trois autres régions figuraient en rouge sur la nouvelle carte du déconfinement, à savoir les Hauts-de-France, la Bourgogne-Franche-Comté et le Grand Est. Sur ces territoires, comme dans le reste du pays, trois indicateurs clés seront analysés quotidiennement : le niveau de circulation du virus, le taux d’occupation des lits de réanimation et la capacité à réaliser des tests virologiques en nombre suffisant. Pour les deux premiers « marqueurs », le résultat agrégé sera obtenu à partir de la moyenne des sept derniers jours.
Au regard des multiples incertitudes, le processus de déconfinement sera « progressif », indiquait Edouard Philippe. Il est également soumis à conditions. Un premier bilan sera effectué le 2 juin, avec la levée hypothétique de certaines restrictions (attestations obligatoires, circulation dans un rayon de plus de 100 km…) et la réouverture potentielle de certains établissements (bars, restaurants, cinémas, lycées…). Au-delà de 3 000 nouveaux cas par jour, des interdits supplémentaires sont à craindre…

Trois grandes priorités

Pour réussir son pari, l’exécutif a retenu trois grandes priorités : protéger, dépister et isoler. La prévention du risque reposera essentiellement sur les gestes barrières et la distanciation sociale. Le port du masque sera également recommandé, voire obligatoire. En matière de dépistage, le gouvernement dit être en mesure de réaliser 700 000 tests virologiques par semaine. Un seuil critique qui tient compte du potentiel de contamination (1 000 à 3 000 nouveaux cas chaque jour) et du nombre moyen de contacts attendus par individu (environ 25). Les patients diagnostiqués positifs au nouveau coronavirus seront placés à l’isolement (volontaire), soit chez eux soit dans un hôtel réquisitionné par l’Etat, si la quatorzaine présente un danger pour l’un des occupants du foyer. « Cette stratégie doit nous permettre de contenir la propagation du virus et de restaurer les capacités initiales des services de réanimation », rappelait Olivier Véran.
En toile de fond, le traçage numérique fera le lien entre les différents niveaux d’action envisagés. Deux dispositifs joueront un rôle décisif : Contact Covid et Stop Covid. Le premier doit faciliter l’identification et la documentation des contacts du malade dans son cercle familial et dans son entourage proche, avec le concours des médecins généralistes, de l’assurance maladie, des ARS et de Santé publique France. Le second, plus controversé, élargira le champ des interactions à ses moindres déplacements via une application mobile, en cours de développement. Pour des raisons technologiques et politiques, l’outil ne sera pas opérationnel avant le 2 juin, au mieux. Il est globalement perçu comme une menace pour la vie privée et les libertés individuelles.

Un premier bilan positif, mais…

Au terme d’un périple de huit semaines, l’heure du premier bilan a sonné. Contraignant, le confinement aura cependant été efficace. Une étude de l’EHESP* affirme que 60 000 vies humaines ont pu être sauvée entre le 17 mars et le 15 avril, hors EHPAD. Sans cette « assignation à domicile », 105 000 lits de réanimation auraient été requis au 20 avril, soit dix fois plus que la disponibilité maximale des établissements de santé, qui avait pourtant doublé depuis le début de l’épidémie. Autres chiffres significatifs : 590 000 hospitalisations et 140 000 admissions en soins intensifs ont pu être évitées. Selon une étude épidémiologique menée par des chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS*, le confinement aura eu un impact positif sur le R0***, soit le nombre de personnes contaminées par chaque malade, qui a chuté de 84 %.
L’arbre ne doit pas cacher la forêt. A la date du 11 mai, près de 6 % des Français devraient avoir été infectés par le SARS-CoV-2, avec une proportion toutefois plus importante en Ile-de-France (12,3 %) et dans le Grand Est (11,8 %). L’Institut Pasteur est formel : l’immunité collective nécessaire est actuellement estimée à 70 %. « Des efforts importants devront être maintenus dans la durée pour éviter une reprise de l’épidémie », prévient la fondation privée à but non lucratif. La mise en garde est explicite. Le gouvernement semble l’avoir entendue, en adoptant des dispositions conformes aux recommandations scientifiques. Seront-elles suffisantes pour autant ? Une chose est sûre : en l’absence d’un vaccin et/ou d’un traitement, il faudra apprendre à vivre avec le virus pendant de longs mois encore.

(*) « Covid-19 : one-month impact of the french lockdown on the epidemic burden », Ecole des hautes études en santé publique (avril 2020)
Cnsultez https://www.ehesp.fr/wp-content/uploads/2020/04/Impact-Confinement-EHESP-20200322v1-1.pdf
(**) « Estimating the burden of SARS-CoV-2 in France », Institut Pasteur/CNRS (avril 2020) : https://hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-02548181
(***) Selon l’Institut Pasteur, le R0 est passé de 3,3 à 0,5 pendant le confinement.

Dans un communiqué publié le 24 avril, l’Ordre des infirmiers formule une série de recommandations « simples, rapides et efficaces » pour réussir l’étape cruciale du déconfinement.

L’instance souhaite notamment que les membres de la profession puissent prescrire des tests de dépistage, s’ils constatent des symptômes cliniques du Covid-19 chez leurs patients lors des visites à domicile. Les infirmiers revendiquent également la possibilité de les pratiquer eux-mêmes. Cette proposition a une dimension à la fois pratique et protectrice. L’enjeu consiste à réduire au maximum les déplacements, en évitant à des personnes potentiellement contaminées de se rendre chez leur médecin, dans un laboratoire de biologie médicale ou à l’hôpital.

Parmi d’autres mesures prioritaires, l’Ordre préconise également la mise en place d’un plan de continuité et de reprise des soins pour les malades chroniques et les enfants. Il souhaite par ailleurs limiter les conséquences d’un confinement persistant chez les plus fragiles, en garantissant la présence d’un infirmier, de jour comme de nuit, dans tous les Ehpad.

L’Oni estime que ces solutions opérationnelles permettront de ralentir la circulation du virus et les nouvelles contaminations.