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La santé mentale de la population française se dégrade. Antérieure à la pandémie, la prise de conscience politique a permis de mener des actions concrètes, mais la situation demeure préoccupante. Cinq nouvelles priorités ont été récemment fixées par le ministre de la Santé.

Lourdement aggravée par la crise sanitaire, la santé mentale des Français décline. Deux tendances lourdes illustrent ce phénomène préoccupant : trois millions de personnes souffrent de troubles psychiques sévères et plus du quart de la population consomme des psychotropes. Conséquence directe d’un mal-être grandissant, la prévalence des épisodes dépressifs augmente, notamment chez les jeunes adultes. Les impacts sociétaux ne sont pas anodins. Leurs conséquences économiques non plus. La souffrance psychique et les maladies psychiatriques sont devenues le premier poste de dépenses de l’Assurance Maladie… devant les cancers et les pathologies cardiovasculaires*. Associés aux pertes de revenus et de bien-être induites, ces maux représentent un coût global estimé à plus de 100 milliards d’euros par an. La problématique ne date pourtant pas d’hier. Lancée en juin 2018, la feuille de route santé mentale et psychiatrie reposait sur trois ambitions fortes : promouvoir le bien-être mental, prévenir et repérer précocement la souffrance psychique et prévenir le suicide ; garantir des parcours de soins coordonnés et soutenus par une offre en psychiatrie accessible, diversifiée et de qualité ; améliorer les conditions de vie, l’inclusion sociale et la citoyenneté des personnes en situation de handicap psychique. Enrichi durant le Ségur de la santé, ce plan d’action avait été renforcé et complété, à l’issue des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, convoquée par le président de la République en septembre 2021.

Un bilan encourageant

Seize mois plus tard, la feuille de route santé mentale et psychiatrie a fait l’objet d’un point d’avancement, présenté début mars par le ministre de la Santé et de la Prévention. A cette occasion, François Braun a évoqué des « avancées réelles malgré un contexte difficile ». Certaines des cinquante mesures engagées afficheraient même des « résultats encourageants », à l’instar du numéro national de prévention du suicide, qui reçoit entre 300 et 400 appels en moyenne chaque jour. Il a également salué la réussite du dispositif MonParcoursPsy. Intégralement prises en charge par l’assurance maladie, ces consultations assurées par des psychologues volontaires ont bénéficié à plus de 90 000 patients. Deux autres initiatives probantes ont été mises en avant : 43 000 secouristes en santé mentale ont été formés l’an dernier, soit trois fois plus que l’année précédente. A la faveur des actions entreprises pour consolider et étendre le réseau des Maisons des adolescents, chaque département en abrite au moins une, sinon plusieurs. « La forte mobilisation des différents acteurs, notamment au niveau local, la capacité d’innovation dont ils font preuve sur le terrain et le fort maillage territorial mis en place ont largement contribué à l’avancée de ces mesures, et à apporter une offre de santé mentale plus complète, plus accessible et mieux répartie sur le territoire », soulignait François Braun.

Cinq nouvelles priorités

Aussi pertinents soient-ils, ces quelques exemples ne sauraient masquer l’ampleur du chemin qui reste à parcourir. Pour lever des freins persistants, étoffer certains dispositifs existants et atteindre les objectifs fixés par le gouvernement, le ministre de la Santé a identifié cinq nouvelles priorités : renforcer la promotion du bien-être mental, la prévention et le dépistage précoce de la souffrance psychique, particulièrement chez les enfants et les jeunes ; renforcer l’attractivité de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie ; renforcer et structurer la coopération en santé mentale dans les territoires, en lien étroit avec les élus et les associations ; poursuivre le soutien à l’innovation et la recherche ; consolider et encadrer la pair-aidance professionnelle. Parmi d’autres annonces fortes, François Braun a notamment promis le recrutement de 500 psychologues et infirmiers qui interviendront dans les lieux d’hébergement et d’accueil des publics précaires. Il a également officialisé le lancement d’un Grand Défi « numérique en santé mentale » dans le cadre du plan France 2030. Doté de 25 millions d’euros, ce programme concernera plus particulièrement le dépistage et le suivi des patients. Il permettra de stimuler et d’accompagner le déploiement de solutions innovantes, que ce soit de nouveaux supports digitaux ou de nouvelles modalités de prise en charge, comme les thérapies digitales.

(*) Selon la Cnam, les dépenses remboursées au titre de la souffrance psychique et des maladies psychiatriques sont estimées à 23 milliards d’euros par an.


Photo : Luc Seba / Cocktail Santé

La mobilisation des étudiants de la filière en cas d’urgence sanitaire ou d’afflux massif de patients a été rigoureusement encadrée par le législateur.

Certaines précautions ont notamment été prises pour garantir la continuité des apprentissages et des stages, mais aussi leurs conditions d’exercice dans un contexte de crise. Selon les principales organisations syndicales*, le texte représente « une avancée significative dans la considération et la reconnaissance de l’engagement des étudiants et étudiantes mobilisés, et leur garantit un meilleur accompagnement tenant compte de leur santé et des spécificités de leurs formations ». Elles réaffirment néanmoins leur vigilance quant à la mise en œuvre effective de ce dispositif, redoutant notamment « une banalisation ou une systématisation du recours aux étudiants pour compenser les lacunes d’un système de santé en difficulté ».

Outre la prévention des ruptures dans l’enseignement, la préservation de la santé mentale et physique des étudiants fera l’objet d’une attention particulière.

(*) FAGE, ANEMF, ANEPF, ANESF, FNEK, FNESI, FNSIP-BM, ISNAR-IMG, UNECD.

Selon Olivier Véran, la troisième vague épidémique pourrait être celle de la santé mentale. Pour mieux mesurer l’ampleur du phénomène, France Assos Santé vient de lancer une étude sur les conséquences psychiques de la crise et ses répercussions sur le suivi des pathologies chroniques*.

Cette organisation inter-associative sollicite 10 000 volontaires pour répondre – une fois par mois – à un questionnaire en ligne autour de trois sujets clés : l’anxiété, la prise en charge et la vie courante. Cette initiative doit notamment permettre d’éclairer les décideurs sur les impacts psychologiques à long terme de la pandémie dans la société française. Un bilan détaillé sera effectué à l’issue de l’enquête… en mai 2022. Des résultats préliminaires seront toutefois présentés un an avant l’échéance.

Les premiers enseignements de la phase pilote, menée auprès de 2 000 participants pendant le premier confinement, laissent craindre le pire. A la suite d’un rendez-vous médical déprogrammé, 78,9 % des répondants ont ressenti une forme d’anxiété ; 68 % ont constaté une prise en charge dégradée. Des chiffres significatifs qui méritent encore confirmation. « Il s’agit d’une tendance et non d’une preuve robuste, en raison de la faiblesse du nombre de réponses colligées », nuance France Assos Santé.

(*) Voir : https://www.vivre-covid19.fr/