Dans un rapport qui a fait grand bruit, la Cour de comptes décrit une trajectoire « hors de contrôle » des comptes de la Sécurité sociale et envisage une possible « crise de liquidité » à court terme, sauf « mesures vigoureuses de redressement ». Le gouvernement prépare déjà les esprits aux mesures douloureuses.
Est-ce le début de la fin ? Dans un rapport publié fin mai*, la Cour des comptes alerte les pouvoirs publics sur la trajectoire « hors de contrôle » des finances de la Sécurité sociale, et plus particulièrement des dépenses de la branche maladie. Elle évoque notamment un « risque de plus en plus sérieux de crise de liquidité » qui pourrait menacer le versement des prestations aux assurés… dès 2027. Selon les projections effectuées par les sages de la rue Cambon, le déficit des régimes obligatoires de base de la Sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse devrait encore augmenter de 6,8 milliards d’euros et culminer à 22,1 milliards en 2025. Autre motif de préoccupation : la dette sociale pourrait, sans mesures vigoureuses de redressement, atteindre 115 milliards d’euros en 2028. « Ceux qui pensent que les problèmes de liquidité, de solvabilité ou de crédibilité sont des problèmes théoriques se trompent », rappelait Pierre Moscovici, premier président de cette institution chargée de contrôler la régularité des comptes publics.
Trente-quatre recommandations
Au-delà du constat, la Cour propose une solution concrète pour éviter le « défaut de paiement » du système. La taille du marché des capitaux à court terme étant potentiellement insuffisante pour absorber le montant d’emprunt dont l’Acoss aura besoin, les magistrats financiers suggèrent de recharger et de prolonger la durée de vie de la Cades, qui peut emprunter à moyen et long terme dans des conditions plus favorables, au-delà de 2033. Parmi ses trente-quatre recommandations pour alléger le poids du déficit, la Cour des comptes suggère notamment de stopper les « dérives continues » dans l’exécution de l’Ondam. Outre des dispositions infra-annuelles permettant de réguler les dépenses en évitant les répercussions sur le résultat des hôpitaux publics, elle préconise, dans le cadre du PLFSS 2026, de « préparer un programme pluriannuel de mesures de maîtrise sur la progression des dépenses de l‘Ondam, en développant la prévention en santé, en réorganisant l‘offre de soins des établissements de santé et des établissements et services médico-sociaux, et en recherchant un partage des efforts entre les acteurs du système de santé ».
Le temps des décisions
Dans son minutage et ses attendus, ce rapport au vitriol met la pression sur le pouvoir exécutif, dont la gestion comptable est implicitement pointée du doigt. Prise entre plusieurs feux, la France affiche le déficit public le plus élevé de la zone euro et traverse une crise politique majeure qui annihile toute velléité de réforme par crainte de représailles sociales ou de censure parlementaire. Dans un contexte géopolitique particulièrement instable, qui fragmente les échanges commerciaux et fragilise la croissance économique, la situation budgétaire française pourrait rapidement se dégrader si le pays perdait la confiance des marchés, ce qui entraînerait mécaniquement une hausse de la prime de risque. Même sans accident majeur, notre charge d’intérêts dépassera 100 milliards d’euros d’ici à la fin de la décennie. Dos au mur, le gouvernement multiplie les sorties médiatiques pour préparer les esprits aux mesures douloureuses. Certaines réformes controversées, comme la réduction du périmètre des ALD ou la création d’une TVA sociale, sont déjà envisagées pour équilibrer les dépenses et les recettes. Seule certitude : les décideurs politiques devront trouver entre 40 et 50 milliards d’euros pour assainir les finances publiques.
(*) « La Sécurité sociale : rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale », Cour des comptes (mai 2025).