France Santé va bouleverser l’organisation du système de santé. Poussées par les exigences croissantes des Français, qui attendent un service plus accessible et plus réactif, la réforme pourrait se traduire par une étatisation des soins de proximité avec une disparition du paritarisme et une gouvernance recentrée. Pour quel résultat ?
Le gouvernement a officiellement lancé France Santé. Un réseau national qui doit « rapprocher les soins des Français ». Communautés professionnelles territoriales de santé, maisons et centres de santé, cabinets médicaux, petits hôpitaux de campagne… Ce dispositif public repose sur une labellisation des structures de proximité pour garantir un accès aux soins à moins de trente minutes du domicile de chacun et un rendez-vous médical sous quarante-huit heures. A l’image des maisons France Services*, la ministre de la Santé, des Familles, de l’Autonomie et des Personnes handicapées, Stéphanie Rist, souhaite « construire un service de santé de premier recours, clair et identifiable, pour tous les usagers ». Afin de concrétiser cette ambition, le gouvernement prévoit une enveloppe de 130 millions d’euros. Mais aussi des objectifs chiffrés : 2 000 structures seront labellisées avant l’été prochain et 5 000 d’ici à 2027. Dans cette perspective, les CPTS existantes pourraient être rebaptisées en « communautés France Santé ». Elles seraient chargées d’animer le réseau, de coordonner les soins de proximité et d’appuyer les structures labellisées dans leurs projets locaux, sans toutefois modifier leurs missions ni leurs statuts. Le gouvernement dit vouloir apporter des « ressources matérielles, humaines, financières aux territoires fragiles ».
Interrogations et inquiétudes
Un sous-amendement déposé et adopté dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale change pourtant la face du projet. La problématique ? Si cet article est définitivement voté, les négociations interprofessionnelles des maisons de santé pluriprofessionnelles pourraient être exclusivement confiées aux organisations représentatives des structures – autrement dit leurs gestionnaires – et non plus aux syndicats majoritaires. La FNI et le SNIIL pointent un transfert de pouvoir inédit et dangereux, dénoncent une atteinte grave à la représentativité des professionnels de santé et redoutent un glissement vers une logique organisationnelle qui priverait les soignants de tout rôle dans les décisions les concernant. Selon la FNI, qui évoque une « concertation factice », les délais imposés, soit entre deux et six mois pour trouver un accord, et la possibilité les tutelles de trancher unilatéralement rendent « illusoire » un véritable dialogue. Au-delà des seuls syndicats infirmiers, certains professionnels craignent une forme de recentralisation ou une « mainmise de l’Etat » sur des structures pilotées par les soignants. D’autres appréhendent la remise en cause de l’autonomie des CPTS et jugent l’offre promise insuffisante pour résoudre durablement la crise des déserts médicaux. Seule certitude : sans ressources adaptées, que ce soit sur le plan humain ou financier, cette réforme pourrait être une simple réorganisation administrative, dont les effets seront limités.
(*) Héritage de la crise des Gilets jaunes, France Services est un réseau de 2 800 guichets uniques, déployés pour accompagner les Français dans leurs démarches administratives (CAF, CPAM, France Travail, impôts, justice, La Poste…).



